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[Jean-Pierre NIEUDAN]

POMEROL. Un vignoble comme un mouchoir de poche avec Petrus en boutonnière, un millésime annoncé de velours. Pour la récolte, on fait dans la dentelle... Impressions

A Pomerol, la récolte des plus jeunes « plantes », selon la dénomination locale, a commencé il y a une dizaine de jours. Ainsi, à château Gazin et à La Conseillante, on vendange les jeunes vignes de merlot depuis le 11 septembre.

« Nous sommes parmi les premiers grâce à des sols précoces, qui redistribuent bien la chaleur, avance Jean-Michel Laporte, directeur de La Conseillante. La moitié de la vendange est déjà rentrée. Nous récoltons à maturité et non à surmaturité. Plutôt que des arômes confiturés, nous préférons un équilibre entre sucre et acidité », annonce le directeur, en montrant, dans la vigne, les gestes traditionnels pour constater le mûrissement des grains : la rafle brunie, le « pinceau » (l'extrémité qui tient le grain de raisin) rougi par l'accumulation des anthocyanes et la couleur lorsque l'on presse la peau entre les doigts. Enfin, le goût de noisette des pépins.

Tri par densité

Comme l'essentiel de l'appellation Pomerol, château Gazin a été peu touché par la grêle de printemps. La chance. Mais, pour préserver ce vignoble essentiellement situé sur le fameux plateau de l'appellation, on aura tout de même tiré quelques fusées pour réchauffer l'atmostphère, lorsque le temps menaçait, en mai. Et hier, à château Clinet, après les averses du week-end, on séchait le raisin au moyen d'un engin souffleur, promené à la main.

« Jusqu'à présent, nous avons récolté 15 % des vignes », mentionne Ronan Laborde, gérant. « Nous pensions reprendre aujourd'hui, mais à cause de la pluie de ce week-end, nous attendrons probablement mercredi. Les vendanges, c'est au jour le jour. »

Et au détail près. À Pomerol, peut-être plus qu'ailleurs. Car avec un vignoble de 750 hectares plantés et 140 propriétés intriquées, on fait dans la dentelle. Ainsi, à château Vieux-Maillet, les grains se trient deux fois. Ils passent d'abord par le crible d'une machine Tribaie (marque Triviti), qui distingue les grains suffisamment mûrs et ceux trop verts pour être pressés. Le tri se fait en fonction de la masse des grains, qui marque leur degré d'alcool.

« Nous allons régler la machine sur 12 degrés d'alcool. Au vu de la qualité du raisin, je pense que nous garderons environ 95 % de la vendange. Nous procédons ensuite à un tri manuel pour ôter les petits bouts de rafle résiduels. » Le Tribaie a été acquis en 2003 auprès du château de Lussac. « C'était la première machine dans le secteur Pomerol Saint-Émilion. »

Lorsque l'on sait que l'hectare de vigne se négocie à partir d'un million d'euros, rien n'est trop beau pour les grains... Et dans les chais de Vieux-Maillet, on sacrifie aussi au procédé, très en vogue, de gravité. Il permet de rentrer la récolte de façon mécanique, sans endommager le fruit.

Coeur de presse

Car, pour extraire la substance de Pomerol, on joue parfois sur des subtilités technologiques. Château Clinet met en oeuvre, depuis 2001, un pressoir vertical, une fois le vin de goutte passé, soit trois à cinq semaines après la vendange.

« Cette presse agit par filtration tangentielle », explique Ronan Laborde. « Le jus traverse tous les raisins au cours d'une opération longue, qui dure trois ou quatre heures. Au final, nous gardons le coeur de presse, soit environ 70 % du jus. » L'engin qui trône au centre du cuvier de château Client, permet, selon le gérant, d'avoir une telle qualité de vin de presse, que celui-ci peut être destiné au premier vin de la propriété.

Emmanuelle Fère
http://www.sudouest.com/gironde/actuali ... 32186.html