A quelques jours du début des vendanges en rouge d’un millésime 2009 qui s’annonce de très bonne qualité, le bordelais continue de subir la crise de plein fouet. Principales touchées : les exportations.
Entre le 1er juillet 2008 et le 30 juin 2009 1,62 million d’hectolitres de vins de Bordeaux ont été exportés (-16%) pour un chiffre d’affaires de 1,43 milliard d’euros (-14%).
Une comparaison publiée le 2 septembre par le Comité Interprofessionnel du Vin de Bordeaux sur la base des 12 mois qui avaient précédé (juillet 2007 à juin 2008). Autant dire que du côté du bordelais, le moral n’est pas au beau fixe… A la tête du château Fontenille et président de l’appellation Entre Deux Mers (600 viticulteurs), Stéphane Defrain est en pleines vendanges des blancs : « C’est la plus mauvaise situation que j’ai vue depuis 30 ans que je fais du vin ! La viticulture française est en difficulté depuis 2004 et cela s’est accentué. Pourtant, la profession avait utilisé de nombreux leviers pour sortir d’une crise structurelle : soutien à l’export, arrachages ciblés... Mais aujourd’hui la crise conjoncturelle réduit tout cela à néant ! ». Dans cette appellation où 75% des Bordeaux/ Bordeaux Supérieurs sont produits (les propriétés les plus ébranlées ces dernières années) l’inquiétude est palpable d’autant que le secteur a subi l’attaque de la grêle au printemps (19 000 hectares touchés dont certaines propriétés impactées à 100%) :
« Les cours des blancs sont soutenus, mais le rouge à 750 euros le tonneau ne permet plus dans cette conjoncture économique de faire le dos rond. Pas mal de sociétés sont en redressement judiciaire… ». Seule lueur, la relative bonne santé du « cœur de gamme » des vins entre 5 et 10 euros la bouteille qui bénéficient d’un basculement d’une clientèle habituée à des produits plus chers…
« Les familles spéculatives les plus touchées »
Sébastien Chaumet, directeur export de la maison de négoce Ginestet (100 millions d’euros de CA en 2008 dont 60 millions à l’export) analyse la situation : « On a commencé à ressentir la crise à partir de septembre 2008 et la fin d’année a été particulièrement difficile. Nous exportons 60% de notre activité sur 60 pays. Nos principaux clients sont l’Europe, l’Amérique du nord, l’Asie, le Japon et la Corée. On était sur une progression de 20% annuelle depuis 4 ans. Au premier semestre 2009, nous avons enregistré une baisse de 20% sur tous les marchés ». Pour les 400 entreprises du négoce bordelais, la situation d’attentisme d’une clientèle « qui destocke, mais n’achète pas en raison de problèmes de trésorerie» est une souffrance : « Certains ont de sérieux problèmes. Les familles de produits spéculatives types grands crus sont les plus touchées. L’évolution des prix forte sur les grands vins liés à des places financières est révolue. Ce sont les premiers produits sanctionnés…. ». Le « réveil du marché asiatique » est bien insuffisant au regard de la situation atone dans d’autres régions du monde comme les Etats-Unis devenus en quelques mois « inexistants » : « Chez Ginestet, nous avions heureusement anticipé en accentuant notre pression commerciale vers la grande distribution où la baisse n’est pas aussi brutale que sur les grands crus. Mais sur le marché intérieur, la situation est difficile depuis plusieurs années… », constate Sébastien Chaumet qui « espère une reprise pour le deuxième semestre 2010 avec un taux de change favorable aux USA ».
« Un collectif vient d’être créé »
« Avec les conditions météorologiques très favorables que nous avons connues, nous aurons un grand millésime 2009 ! ». Jean François Quenin à la tête du château de Pressac et président du Conseil des vins de Saint Emilion arrête là ses élans optimistes : « Les sorties des chais ont baissé sur les 12 derniers mois de 14%. Nous ne voyons pas de redressement à l’horizon. Les ventes au négoce sont encore plus faibles (-30%). Les négociants destockent et chose nouvelle, les particuliers aussi ! ». Même s’ils sont impactés par la baisse du marché spéculatif, les grands crus classés peuvent ici tenir sans grandes difficultés. Il n’en est pas de même pour les autres propriétés : « Les grands crus représentent seulement 7% des propriétés de l’appellation ! La moitié des Saint Emilion sont à 10 euros la bouteille. L’avantage que nous avons ici vis-à -vis des banques, c’est la valeur du terrain. Un collectif vient d’être créé pour venir en aide aux viticulteurs en difficulté… ». Dans cet aréopage de mauvaises nouvelles, une plus positive : le CIVB rendait public le 4 septembre les derniers chiffres des ventes de Bordeaux dans les grandes surfaces : « Les ventes de vins de Bordeaux dans la grande distribution française se sont redressées de 2% au printemps 2009. Bordeaux suit ainsi la tendance générale plus favorable aux vins de qualité (+2%) ».
Eric MOREAU
http://www.echos-judiciaires.com/econom ... a6676.html