Le domaine de l'Inra produit une cuvée issue de raisins qui ont séché . C'est un petit carré de ceps que la maladie condamne. A peine 3 000 souches, des rangs clairsemés d'ugni-blanc où s'est insinué le court-noué, la faute à un nématode qui propage l'infection. La croissance de la plante est altérée, l'intervalle réduit entre les noeuds de sarments, son raisin mêle grains avortés et normaux et la production se révèle ridicule.
Un jour cette vigne mourra. Mais en ce temps des vendanges, Christophe Clipet a pour elle quelques égards ; les 700 l qu'elle donnera bientôt sont à la base du vin le plus original du Chapitre, le domaine vigneron de l'Inra, qu'il conduit depuis 2000. Son blanc « gourmand » issu de vendange passerillée. Malgré ses défauts, la vigne court-nouée a pour elle ces grappes « millérandées » , aérées, où l'air circule, quand on les laisse étalées sur le vaste clayage de canisses.
Dans le pailler, au-dessus des écuries, c'est déjà le cas de l'aranel, cépage né de la recherche Inra que l'ancien élève d'Agro Montpellier assemble à l'ugni-blanc. Sur des lits interminables, le raisin sèche face aux portes larges ouvertes de l'édifice. « C'est quand même assez artisanal , sourit Christophe Clipet. Il faut des grappes entières, très saines, sans pourriture, blessure ou vers, qu'on laissera reposer à peu près un mois. L'eau va s'évaporer, le grain se concentrer en sucre. » A ce jeu, et au-delà du court-noué, l'ugni-blanc se prête assez bien à l'exercice : taille du grain, porosité de la pellicule et une maturité tardive, qui laisse le temps d'en finir avec la vendange pour le cueillir à « la main et en cagette » . Ensuite, attendre.
Attendre que le raisin « aux couleurs d'automne » s'assèche et se flétrisse, comme l'aranel a commencé de le faire. Attendre que le mou passe de 220 g/l de sucre à plus de 300 et 20° d'alcool potentiel. Alors on le pressera très lentement, avant sa vinification, qui n'est jamais une garantie de succès gustatif. « Il y a deux ans, il a fallu tout jeter : trop d'humidité durant le passerillage. » En 2001, ce sont les étourneaux qui s'étaient goinfré à même la vigne : pour lancer le projet ils voulaient passeriller sur ceps, à l'égal du Juras et son vin de paille. Mais le principal est ailleurs. « On s'amuse. On a voulu montrer ce procédé original avec un cépage déprécié. On utilise l'aranel issu des travaux de l'Inra et on a élargi notre gamme. » A déguster en apéritif ou au dessert, frais en tout cas. Recherche L'Inra a arraché une part de la vigne court-nouée pour y mener, dans ce sol contaminé, des expériences sur des portes-greffes résistant à la maladie. Concluantes, elles vont déboucher sur une inscription au catalogue.
Ollivier LE NY
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