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[Jean-Pierre NIEUDAN]

Impatience des vents d'anges. Depuis quelques jours, le terroir est à nouveau balayé par la hâte de la hotte. Pressé, à l'image de ses "colles" de vendangeurs. Le rituel est de retour. Par rangées, au sécateur, invité des dos courbés. À la Méjanelle, en lisière de Montpellier, le crépuscule attend ses hommes. Ils seront seize pour cette première journée au ras des ceps.

Affairée à flanc de galets roulés, portée par un lit d'argile rouge, l'équipe de Pierre Clavel est prête à récolter le fruit du travail de toute une année. Alors que les mains crispent la syrah avec délicatesse, « le bruit de la concurrence » emplit l'aube d'un ronflement de machine à vendanger. Chez Pierre Clavel, on préfère la méthode ancestrale. À l'ancienne, manuellement, le ruban de coupeurs avance. Il y a là Abdelaoui, Dadi, Mohammed et les autres. Rôdés au geste, habitués à la cadence, ils vont devoir tenir bon toute la journée. Sans boire, sans manger. Ramadan oblige. Ils feront pourtant l'impasse sur leur prière. Vigne oblige. « On est trop sales. Pour prier, il faut être propre et pouvoir faire ses ablutions. Ici, c'est impossible... », explique Dadi.
Deux porteurs sillonnent les rangées. Pierre, le patron : « J'adore porter ! C'est probablement le dernier rapport physique que j'ai avec le raisin. Il y a une souffrance à porter que je m'inflige. Pour faire du bon vin, il doit y avoir une notion de douleur. Ça me rend heureux, c'est comme ça. J'attendais les vendanges avec impatience ! » Plus loin, Mathieu le Champenois porte ses 22 ans et son BTS viticulture oenologie. Lui est là pour apprendre. Les autres, animés par des considérations plus pécuniaires, plus existentielles. Parce que c'est aussi ça les vendanges.
Un savant mélange de cultures, d'horizons et de raisons. Chez Pierre Clavel, la vigne est vie et vérité. L'homme n'y est évidemment pas pour rien. Philosophe, passionné et passionnant à la fois, le vigneron tend l'oreille à ses raisins comme il écoute chanter ses hommes en plein labeur.
Fier de ses "forces vives, aujourd'hui rares à trouver ".

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