Martin Bouygues : « J'ai tout à apprendre du vin et le sujet m'intéresse »
Le Montrose version Bouygues
Relationnel Pour la première fois, les nouveaux propriétaires de Montrose (St. Estèphe) ont réuni au château courtiers et négociants de la place de Bordeaux
« Pendant 20 ans, lors de mes voyages à travers le monde, on m'a parlé de TF1. Depuis quelques mois, on me parle de TF1... et de Montrose ! Le vin est un bon sujet de conversation ». Installé dans un salon du château Montrose, au coeur de ce Médoc prestigieux des grands châteaux, Martin Bouygues a le sourire. Dans son « nouveau chez lui », à deux pas de la Gironde _ la « rivière » comme disent les Médocains _ on le sentirait presque en vacances.
Comment celui qui est à la tête d'un groupe puissant du CAC 40 _ 26,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2006 pour 122 000 collaborateurs _ en est-il venu à acheter ici ses premiers pieds de vigne ? « J'ai découvert Montrose chez des amis aux Etats-Unis il y a une vingtaine d'années. Un vrai bonheur. J'ai ensuite acheté de nombreux millésimes, à travers le négoce bordelais, pour ma cave personnelle. J'ai encore en bouche les 1989 et 1990... Alors, quand l'éventualité d'acheter la propriété s'est présentée, je n'ai pas réfléchi longtemps ». C'était au printemps 2006, la famille Charmoulüe, aux commandes depuis des décennies souhaitant passer la main, l'occasion était trop belle.
Il faut dire que Martin Bouygues , PDG du groupe créé par son père en 1952, ainsi que son frère Olivier (directeur général) ont les moyens. Leur groupe (BTP, télévision, téléphonie...) a dégagé 1,8 milliards d'euros de résultat opérationnel l'an passé. Parmi les hommes les plus riches de France, les deux frères ont acquis Montrose à titre personnel, avec leurs épouses. Mélissa Bouygues, épouse de Martin, est d'ailleurs la présidente de Montrose.
Originaire de Louisiane (Etats-Unis), elle a assuré aux 160 invités présents au château « vouloir mettre les moyens de notre exigence qualitative ». Retour au travail du sol (en lieu et place du désherbage chimique), nouveau chai à barriques pour les vins en première année d'élevage, aménagements de bureaux et de lieux de réception sont au menu. « Nous en avons pour trois ans de travaux », assure Nicolas Glumineau, directeur technique. Un nouveau cuvier avait été construit en 2000.
Rendements plus élevés « Je veux que Montrose reste un vin d'exception, en employant les méthodes du développement durable, économies d'eau, d'énergie... Nous avons les moyens de le faire. J'ai tout à apprendre du vin mais cela m'intéresse. Montrose n'est pas une affaire financière mais un coup de coeur. De plus, mon père avait toujours caressé l'idée d'acquérir un vignoble. Je l'ai fait. Quand ma mère est venu ici en 2006 pour les vendanges, c'était un grand moment d'émotion », avance Martin Bouygues , qui vient à Montrose environ une fois par mois. « Il appelle plusieurs fois par semaine. C'est un vrai passionné », relève Jean-Bernard Delmas, homme de confiance des Bouygues à la tête de la propriété.
Comme pour un nouveau départ, l'équipe de Montrose avait soigné l'accueil. Un déjeuner signé du chef étoilé Alain Dutournier (Le Carré des Feuillants) spécialement venu de Paris, agrémenté de millésimes 1970, 1990 et 2003 du château. Car dans le monde des grands crus, entre les propriétaires et les négociants qui vendent leur vin partout dans le monde, le « relationnel » n'est pas un vain mot. Les allocations _ quantités annuelles de caisses octroyées par les châteaux aux négociants, via les courtiers _ font l'objet de rudes batailles. Il est alors préférable de mieux se connaître.
Avoir chez soi, la force de frappe commerciale du négoce bordelais est aussi l'occasion de faire passer des messages. « Je préfère du Montrose sur les tables que des achats par des spéculateurs. L'image des vins de Bordeaux reste exceptionnelle dans le monde », a indiqué Martin Bouygues , consommateur de vin le week-end mais pas en semaine. D'autres ambitions d'achat de propriétés à St. Estèphe ? « Non, on se concentre sur ce qu'on a ».
En homme de technique, Jean-Bernard Delmas a lui fustigé pendant ce déjeuner les rendements trop bas : « Sur les grands terroirs, de bons vins sont possibles avec des rendements raisonnablement élevés ». Peut-être une manière de dire que si les rendements autorisés étaient plus élevés, les grands châteaux pourraient vendre leurs bouteilles moins chères... pour le bonheur des consommateurs.
« Je préfère du Montrose sur les tables que des achats par des spéculateurs ».
César Compadre
http://www.sudouest.com/accueil/loisirs ... 1/mil.html