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Le vin naturel , une question de style

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Mer 1 Avr 2009 13:41

La lecture des étiquettes n'apporte que peu d'informations sur la fabrication du vin. Cependant quelques artisans-vignerons proposent de véritables produits naturels.

Depuis trente ans, on trouve partout en France des vignerons qui ont laissé de côté les engrais chimiques, les désherbants, les fongicides, les insecticides et repris le travail de la terre avec l'ambition d'être de parfaits jardiniers. Parmi eux, Antoine Arena à Patrimonio, Frédéric Cossard à Saint-Romain, Bruno Duchêne à Banyuls, Charles Hours à Jurançon, Marcel Lapierre à Villié-Morgon, Eric Pfifferling à Tavel, Hervé Villemade à Cheverny. C'est toujours un plaisir d'aller se promener dans les parcelles de leur domaine : on y voit des libellules et des boutons d'or, des coccinelles et des fauvettes, des vignes taillées avec amour et des fruits lents à mûrir. À ces artisans rebelles aux sirènes de l'agro-industrie, il faut associer les héritiers de vieilles maisons familiales qui n'ont pas changé leur façon de travailler au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : Jean-Pierre et Pascal Amoreau dans les Côtes de Francs, Joseph et Christian Binner en Alsace, Alain et Jérôme Lenoir à Chinon.

Les raisins que ces artisans vendangent chaque année bénéficient parfois de la mention «issu de l'agriculture biologique». Mais ce n'est pas tout. À quoi servirait-il de ramasser de beaux fruits si on pouvait ensuite les accabler de cosmétiques œnologiques, d'acide tartrique, de levures synthétiques et d'anhydride sulfureux ? De la vigne à la cave, les vignerons qui participent aujourd'hui à la renaissance des vins français ont choisi d'être exemplaires. Ce n'est pas une affaire idéologique, c'est une histoire de gourmandise. Mieux encore : une question de style. «Je me méfie du soufre en tant qu'il dégrade les éléments d'élégance du vin», explique Anselme Selosse, installé à Avize, au cœur de la Côte des Blancs, où il produit quelques-uns des plus beaux champagnes du monde. «Je ne produis pas un vin biologique ou biodynamique. Je produis un vin expressif et naturel», s'empresse-t-il d'ajouter, pour que les choses soient claires.

Bombardement chimique

Il faut en effet savoir que le vin «bio» n'existe pas - et cela ne trouble guère les buveurs de goût. Si certains artisans vinifient du raisin «issu de l'agriculture biologique» comme nous l'avons dit, aucun d'eux ne peut prétendre produire de vin «biologique», puisqu'il n'existe aucun label européen certifiant qu'un jus a été vinifié sans additifs œnologiques : levures sélectionnées, acide tartrique, enzymes, glycérine, lait en poudre, copeaux de bois.

Jusqu'à ce jour, il faut se contenter de la vague mention «contient des sulfites», qui ne signifie pas grand-chose puisqu'elle n'oblige pas à indiquer le volume d'anhydride sulfureux (SO2) ajouté. Selon la législation en vigueur, les quantités peuvent varier de 10 à 210 mg/litre pour un blanc sec et de 10 à 400 mg/litre pour un liquoreux. Pas moyen de faire la différence entre le travail propre d'un vigneron circonspect et le bombardement chimique d'un laborantin fou préparant le buveur innocent à subir, au réveil, une double barre frontale et un bourdonnement continu à l'occiput. Il en va de même pour tous les additifs. Un vigneron peut charger ses cuves en E 517 (sulfate d'ammonium employé en fermentation), en E 501 (carbonate de potassiumrectifiant l'acidité) et en E 202 (sorbate de potassium employé comme agent conservateur) sans le faire savoir. Pire encore : rien ne lui interdit ensuite de revendiquer un label bio - AB ou Terra Vitis - qui concernera uniquement la culture de la vigne et jettera le trouble dans l'esprit des profanes.

Parmi les artisans-vignerons qui ont laissé de côté intrants, insecticides et pesticides, seule une minorité pousse jusqu'au bout la quête d'une expression naturelle du raisin fermenté. Cette élite se passe très bien des labels certifiant que leurs vignes ont été travaillées proprement et que leurs jus sont vinifiés sans chimie de synthèse. Le combat qu'elle mène n'est pas une guerre administrative, c'est une guerre du goût. «Ce n'est pas à nous d'écrire vin bio sur les étiquettes, c'est aux autres d'indiquer vin chimique», s'amusait un jour Jean-Claude Chanudet à propos du beaujolais qu'il produit avec Marcel Lapierre au Château Cambon.

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Re: Le vin naturel , une question de style

Messagepar Vincent R. » Ven 3 Avr 2009 22:08

il faut en effet savoir que le vin «bio» n'existe pas - et cela ne trouble guère les buveurs de goût. Si certains artisans vinifient du raisin «issu de l'agriculture biologique» comme nous l'avons dit, aucun d'eux ne peut prétendre produire de vin «biologique», puisqu'il n'existe aucun label européen certifiant qu'un jus a été vinifié sans additifs œnologiques : levures sélectionnées, acide tartrique, enzymes, glycérine, lait en poudre, copeaux de bois.


Encore une fois, il y a l'esprit et la lettre. On ne peut certes pas produire de vins bio mais la grande majorité de ceux engagé dans cette voie le font par conviction et non par appât du gain. Difficile de les imaginer tout foutre en l'air dès entré dans les chais...
Pour ce qui est des vins natures, il est bon de se souvenir qu'ils permettent des expressions fruitées comme nulle part ailleurs mais qu'en contre-partie, leur transport, leur conservation et leur évolution risque d'être très problématique.
Pour moi, j'adore les gouter lors des visites de domaines mais je n'ai pas les moyens de jeter une bouteille sur deux
BAREME DE NOTATION 19+ À 20:MYTHIQUE 18+ À 19:EXCEPTIONNEL 17+ À 18:TRÈS GRAND VIN 16+ À 17:GRAND VIN 15+ À 16:TRÈS BON VIN 13+ À 15:BON VIN 11+À 13:MOYEN 10 À 11:FAIBLE <10:DÉFECTUEUX
en dessous de 16, je n'achète pas! il y a si bon ailleurs!
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Re: Le vin naturel , une question de style

Messagepar Winemega-Alain » Dim 5 Avr 2009 15:45

J'avoue être un peu perplexe par rapport aux vins naturels en général.
Le dernier exemple en date de jeudi dernier où je participais à une dégustation sur les vins du Jura (Je ferai un résumé bientôt sur BDE..).

Parmi une jolie série, trois vins vinifiés "naturellement" furent proposés:
- "Plein Sud" un Trousseau 2006 de J-F Ganevat
- "Les Bérangères" un Trousseau 2005 (Arbois) de Jacques Puffeney
- Pinot Noir "Z" 2006, sans SO2, également de J-F Ganevat

Le premier vin présentait une épouvantable odeur de réduction et une bizarre sensation de gaz carbonique sur le palais.. (bon, y avait aussi d'autres choses plus agréables, mais j'y reviendrai une autre fois) ;)

Le second vin avait une odeur dominante de fruit blet et un peu de réduction..

Le troisième vin était, lui aussi, totalement marqué par une forte réduction avec, en plus, un soupçon de Brett et une sensation de refermentation en bouteille! :shock:
Plus aucune expression ni variétale ou de terroir!

Pour être totalement objectif, il aurait fallu mieux les préparer et longuement carafer ces trois vins avant de les servir. En jouant du "Shaker" dans le verre (à déconseiller si vous portez une chemise blanche :D ), ils semblaient quand même s'harmoniser un peu.. :?

Ce qui est souvent frappant avec les vins dits "naturels" c'est leur manque de stabilité. Si je ne suis pas un aficionado des vins homogénéisés et totalement bridés technologiquement, mais j'avoue souvent un certain désarroi face à de telles bouteilles. Sur un carton de six, la moitié des bouteilles pourront être très bonnes alors que l'autre moitié sera quasi imbuvable! Les fanatiques de ce genre de vins avancent, avec une certaine complaisance, mille et une excuses pour expliquer la forme très discutable d'une bouteille.. une fois c'est la pression atmosphérique qui est trop haute / basse.. ou encore, la lune montante / descendante qui pénalise ce vin.. ou que sais-je encore. Et tous de me dire.. "Ah.. je l'ai bu il y a trois mois.. il était fabuleux!!"

Moi je veux bien, mais ce qui me gêne vraiment, c'est qu'il s'agit souvent de vins qui ne sont pas forcément très bon marché. Lorsque j'achète une bouteille à plus de 10-15€, j'ai vraiment beaucoup de peine à me dire qu'une moitié partira dans le vinaigrier pour cause d'imbuvabilité passagère. Et impossible de savoir à quoi s'attendre car ces vins sont totalement imprévisibles!

Pour moi, ce sont des bouteilles pour initiés qui y trouvent un certain plaisir masochiste. Clairement, ces vins sont vraiment trop compliqués à gérer pour l'amateur moyen!
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Re: Le vin naturel , une question de style

Messagepar Laurent P » Dim 5 Avr 2009 17:22

Salut Alain,

je ne suis pas un aficionado des vins naturels non plus. Ils m'intéressent, certes, mais j'ai un peu l'impression de rentrer en religion quand on parle d'eux. Pour ma part le facteur le plus limitant avec eux est là.

D'abord, si certains de ces vins dérangent, c'est proprement indéniable. C'est normal puisqu'ils sont un peu les ovni de la scène viticole, qui ne cesse de se transformer.

On fait grand cas des notes bizarres que l'on retrouve au nez, de leur bouche, qui désarçonne parfois aussi.

On crie haro sur le baudet, mais on ne le fait jamais avec des vins disons "classiques". Un vigneron valaisan me disait que des vins d'un de ses collègues sentaient la crème Nivéa. Trop propres, trop contrôlés, sans surprise en somme. Et pourtant, c'est chez ce dernier que les vins s'avèrent le plus fluctuants. Le pinot noir haut de gamme (la philosophie est loin du vin naturel évidemment) s'est pourtant transformé en Prosecco. Définitivement foutu. Et j'ai ainsi d'autres exemples chez lui de vins qui ont déviés, que nous ne reconnaissions plus un ou deux ans après leur achat. Problématique.

Quand les vins naturels sont réussis (j'en ai goûté d'excellents), c'est somme toute naturel, et personne n'envisage de les porter au pinacle.
Et l'on oublie alors que ces vins sont souvent produits à un prix très raisonnables.

laurent
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Au prix où sont vendus les grands vins de ce monde, on devrait pouvoir les échanger sitôt qu'une bouteille est défectueuse. Et il semble que ces flacons défectueux sont bien plus nombreux que l'on veut bien le croire, non ? Les chais de Bdx contaminés qui ont irrémédiablement gâchés une voire plusieurs récoltes n'ont pas ruinés la réputation du château ou celle de son propriétaire. Par contre, ces vins restent perdus pour l'acheteur. Quand un amateur achète un vin nature, au moins il sait à quoi s'attendre.
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Re: Le vin naturel , une question de style

Messagepar Winemega-Alain » Dim 5 Avr 2009 17:53

Salut Laurent!

Je suis d'accord avec toi concernant l'aspect "religieux" des adeptes des vins naturels (VN). Leur petit côté sectaire avec une sorte de "révélation à la vérité" du converti me gène passablement..

Sur les vins "traditionnels", il est tout de même de plus en plus rare de trouver des problèmes inhérents à une mauvaise maitrise de la vinification. L'empirisme des générations précédentes a laissé place aujourd'hui à des acteurs bien formés, qui savent éviter les pièges de la vigne aux chais. A mon avis, les défauts principaux qu'on retrouve actuellement sur ces vins sont principalement liés aux bouchons. Certains domaines et châteaux ont également eu quelques problèmes avec des contaminations de Brett. Mais une fois la source du problème identifiée, la situation revient généralement à la normale. J'en ai parlé avec Bruno Borie (Ducru-Beaucaillou) début mars. Il me disait qu'ils avaient eu un chai contaminé au milieu des années 80 mais qu'ils ne s'en sont aperçu que bien après leur commercialisation. Ce problème a touché environ 20% de la production et ils ont remplacé toutes les bouteilles qui ont été renvoyées par des millésimes de qualité équivalente plus récents, ce qui est un geste commercial plus qu'appréciable!

Des châteaux bien établis comme Ducru ont également davantage de moyens de contrôle pour faire des analyses de laboratoire et choisir les meilleurs matériaux (du "54" par ex. qui est la Rolls des bouchons).
B. Borie me faisait également part d'une constatation toute personnelle et non scientifiquement prouvée.. Les grands terroirs sont généralement bien moins sensibles aux maladies!
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