Stephan von Neipperg reçoit à midi le déjeuner de clôture des primeurs à château Canon La Gaffelière. La semaine a été décisive, comme chaque année
Ce millésime 2008 est à la charnière des prix vertigineux des années folles, et de la brusque crise financière que l'on sait. Avec, pour pimenter le tout, une divine surprise climatique.
« Jusqu'à fin septembre 2008, nous avons craint le pire », rappelle depuis le début de cette Semaine de primeurs Stephan von Neipperg à ses hôtes du château Canon La Gaffelière, à Saint-émilion. « Et subitement, du 9 au 23 octobre, le temps est devenu splendide, provoquant un brutal arrêt de la végétation et une saignée de 30 % du poids des raisins, continue-t-il. Ces concentrations exceptionnelles sont le grand truc de ce millésime. Les couleurs sont magnifiques, les fruits très frais. Tout a compté dans cette cuvée 2008 très technique, très inégale selon les propriétés. Ce n'est pas un vin très démocratique », résume M. le comte von Neipperg, avec cet humour dont il ne se départit jamais.
« Frenchy »
Ce très bon vin, qui survient dans un contexte à la baisse, est un millésime idéal pour les investisseurs. 2008 risque d'ailleurs de porter ombrage aux deux précédents, les 2007 et 2006, dont les prix avaient flambé.
Mais cela, le plus « frenchy » des Allemands du Bordelais ne le dira jamais. On n'est pas issu d'une double lignée de généraux et de viticulteur depuis le XIIe siècle sans avoir l'esprit de corps. Les temps sont durs ? Raison de plus pour prendre son tour, avec son épouse Sigweis, dans l'accueil du déjeuner de clôture des primeurs (pour la presse) ce midi à Saint-Émilion.
Quand bien même il pourrait parfois s'affranchir de la place de Bordeaux (les négociants), Stephan von Neipperg ne fera jamais une chose pareille. On ne bouscule pas les équilibres les plus subtils d'une économie d'exception. Le négoce reste le négoce.
Prudent, donc, mais confiant. Ainsi apparaît le propriétaire de Canon La Gaffelière, Château Soleil, La Mondotte, du Clos de l'Oratoire, de Peyreau, d'Aiguilhe et de Clos Marsalette à la fin de cette présentation du millésime 2008.
Appartenant au cercle restreint des viticulteurs qui écoulent la quasi-totalité de leur production en primeurs, cette semaine a été décisive pour lui. S'il reconnaît 25 % de journalistes étrangers en moins par rapport à l'an passé, « ceux qui font l'opinion » sont bel et bien venus. Le « pape » lui-même, Robert Parker, l'a goûté « himself » et en sa présence à l'Union des grands crus, seul endroit où Stephan von Neipperg consent à se départir de ses bouteilles en primeurs. « Un grand vin, a commenté Parker », glisse le comte, l'oeil gourmand. « La dégustation des primeurs requiert beaucoup de soins. La moindre variation de température, d'humidité, peut faire virer les vins. Voilà pourquoi j'organise tout moi-même, et chez moi. »
Ni chichi ni tralala
Stephan et Sigweis von Neipperg ont lancé 500 invitations à travers le monde. Beaucoup sont venus, pressés, amicaux, parfois reçus à la maison, toujours avec tact, simplicité, professionnalisme. Ni tralala, ni chichi. « Un dégustateur sérieux est très introverti, note Stephan von Neipperg. Il ne cherche pas le contact, seulement le produit. Il s'intéresse à la couleur, au nez, à la plénitude en bouche, la qualité tannique. Il a besoin de silence et de concentration. »
Cela se passe comme ça chez les Neipperg depuis le début de la semaine. Trois tables, des verres, des crachoirs, du silence, des hôtes disposés à répondre à la moindre question sans en rajouter, et une salle attenante où prendre des notes. Pas même 20 % des vins sortis de leurs vignes sont consommés en France. Le monde entier du vin vient de passer par cette salle, à la fois sobre et chic, aménagée par Madame.
« Nous vendons du rêve et de l'art, précise Stephan von Neipperg. Tout est important. Le respect de l'environnement est central. Le contact avec les gens aussi. Je voyage trois mois par an à travers le monde pour accompagner mes vins. Le capital sympathie, c'est essentiel. » Il lui arrive même de signer des dizaines d'étiquettes au bout du monde. Comme une rock star.
Dominique de laage
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