Index du forum Les rubriques Histoire du vin et de la vigne... découvrir le vin, l'aborder, s'informer Histoire de vin

De tout et de rien, du moment que ça parle de vin.

Julien Schaal, le bleu qui fait du blanc et du rouge

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Lun 19 Jan 2009 12:22

À 27 ans, Julien Schaal tranche dans le milieu de la viticulture. Malgré son jeune âge, le Strasbourgeois trace son sillon avec une audace et un talent certains, entre les vignobles d’Afrique du Sud et d’Alsace.

C’est une cuvette encaissée au milieu de montagnes abruptes, d’où l’on aperçoit l’océan, quelques kilomètres avant que l’océan Atlantique ne devienne Indien. Là-bas, à plus de 700 mètres d’altitude, l’air est limpide, le ciel d’un bleu qui ne connaît pas la nuance, et les vapeurs de fynbos — la garrigue locale — rappellent qu’en ces lieux, la nature n’a pas encore rendu les armes. Là-bas, à quelque 75 miles (120 km) à l’est du Cap de Bonne Espérance, c’est la vallée de Hemel en Aarde. « Le paradis sur terre », traduit de l’Afrikaans, la langue importée en Afrique du Sud par les colons néerlandais.
10 000 kilomètres plus au nord, autre hémisphère, même paradis. Niché entre Molsheim et Marlenheim, là où se faufilent la Bruche et la Mossig, le vignoble de la Couronne d’or marque les premiers hectomètres de la Route des Vins d’Alsace. En cette douce journée d’automne, lorsque Julien Schaal nous reçoit, la vigne surplombant Wolxheim et Traenheim s’est habillée d’une robe jaune et orangée, comme pour signifier que notre visite est encore plus tardive que ces vendanges 2008. Ça tombe bien, Julien ne connaît plus les saisons, lui qui vendange deux fois par an, de février à avril d’un côté de l’Équateur, en septembre et octobre de l’autre.
Deux mondes, donc : l’ancien – l’Alsace – et le nouveau – l’Afrique du Sud. Entre les deux, une seule passion : le vin. Un domaine que Julien Schaal a découvert de manière précoce. À 17 ans et toutes ses dents (longues), il rencontre l’amour de sa vie, Anne-Marie, sans savoir qu’elle va lui présenter dans la foulée celle qui deviendra sa maîtresse : la vigne. « C’était en 1999, sur les terres de ma belle-famille, à Dorlisheim. En réalisant là-bas ma première vinification, j’ai su que j’en ferai mon métier. »
Le jeune Julien Schaal sait ce qu’il veut, a faim d’entreprendre et soif d’indépendance. Alors scolarisé au lycée hôtelier d’Illkirch-Graffenstaden, il bifurque vers la Bourgogne et un BTS viticulture-œnologie à Beaune qu’il obtient en 2002. Vient le temps des voyages, ou comment découvrir son métier par la diversité : Châteauneuf-du-Pape, le Liban et… l’Afrique du Sud.

« Ça m’a pris du temps de m’attacher à l’Afrique du Sud »

Sous le Tropique du Capricorne, le verseau tombe amoureux. « J’ai aimé le pays tout de suite, certes, mais ça m’a pris du temps de m’y attacher, précise Julien. J’étais parti de France avec des images du film "Out of Africa" plein la tête. Et en arrivant, je vois des autoroutes à la place de la savane… Je n’étais pas déçu mais surpris. Puis je suis arrivé à Hermanus, à 120 km à l’est du Cap, au bord de l’océan. Et là, l’odeur, le calme de l’Afrique, les grands espaces, la liberté… Tout ça m’a pris d’un coup. Je m’y suis senti chez moi. »
À 23 ans Julien a jusque-là vécu « une vie heureuse, avec une éducation normale mais pas laxiste », se sent de droite — « mais modérément » -, est peut-être bien plus « agnostique que catholique, finalement », aime le jogging « comme Sarkozy », est passionné d’économie, et s’apprête donc à faire le grand saut de l’autre côté du globe.
Nous sommes en 2004. De retour à Hermanus pour les vendanges, il rencontre Gordon, un viticulteur du coin, au détour de trois saucisses grillées et d’autant de bières. La discussion est sans détour : « Il ne m’a pas proposé d’argent, mais a laissé à ma disposition ses cuves pour que j’y fasse mon propre vin. J’ai dit "banco". »
Au lieu de s’acheter une nouvelle voiture, Julien crée sa petite société avec 10 000 euros d’économie. « J’étais un peu malade quand j’y pense, sourit Julien. Mais il faut être malade pour réussir. » Silence. « Je me suis surtout dit que j’étais jeune et que je pouvais me permettre de me planter. » Et Anne-Marie dans tout ça ? « Il faut être un peu égoïste et avoir une femme très généreuse pour réussir ce genre de coup. »
L’Alsacien ne s’est pas trompé. De 5 000 bouteilles de syrah et 1 200 de chardonnay produites en 2005, il a atteint une production de 35 000 bouteilles en 2008, a épousé Anne-Marie dans la foulée, et va lancer un blanc viognier cette année.
Julien a réalisé son rêve, sans posséder un seul hectare de vigne. « Ça me prendrait trop de temps. Je préfère acheter du raisin que j’ai choisi à des viticulteurs en qui j’ai confiance. » À tel point qu’il applique la même recette en Alsace (pour une production annuelle de 20 000 bouteilles), à partir d’une sélection de terroirs de la Couronne d’or, occupant au passage un poste de consultant en viticulture pour la Cave du Roi Dagobert de Traenheim.
Ne lui demandez pas quand il se repose. « J’ai conscience d’être un "work addict", résume le fiston du maire de Lipsheim. Mais je suis jeune dans le milieu, et ce n’est pas toujours facile d’être pris au sérieux. » Au détour de foires aux vins ou autres voyages commerciaux en Angleterre, Allemagne, Suisse, Belgique, Hollande ou États-Unis, il arrive souvent qu’on lui demande si le « Julien Schaal » dont on peut lire le nom sur l’étiquette de ses bouteilles est son père ou son grand-père… Sauf que jamais personne dans sa famille n’a produit de vin avant lui. « À 27 ans, je me sens un peu seul dans le milieu, concède-t-il. J’ai tout à prouver et ça prend du temps. J’en viens à avoir peur de prendre des vacances… » Sa vie est un peu folle, mais Julien a ses raisons que le raisin ne connaît pas.

http://www.lalsace.fr
La vérité est dans la bouteille ..( Lao Tseu )
Avatar de l’utilisateur
Jean-Pierre NIEUDAN
 
Messages: 9664
Inscrit le: Mer 24 Oct 2007 10:23
Localisation: Hautes Pyrénées

Retour vers Histoire de vin

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit and 2 invités


cron