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[Jean-Pierre NIEUDAN]

Aborder les boissons sur le mode ludique, subjectif et avec humour, c’est possible, grâce à Deborah Rudetzki et Philippe Martineau. Les deux auteurs-« globbe-trotteurs » signent « Des boissons et des hommes », un livre de rencontres humaines autour d’un verre, voire deux. Cet ouvrage pourrait être une sorte d’encyclopédie illustrée des boissons, des plus classiques aux plus originales : anisés, apéritifs, bières, cafés, vins, whisky, cidre… Tout ce qui s’avale y passe, même l’eau… C’est en réalité un avatar de la collection pour les nuls, une sorte de « boissons pour les nuls » : une fois digérés tous ces degrés vous pourrez briller en société et vous serez incollable sur les apéritifs à base de vin (les ABV), la Gentiane, l’hydromel, la bière blanche mais aussi la Watwiller, le vin jaune et les single malt !

« Ils buvaient de l’absinthe, comme on boirait de l’eau, l’un s’appelait Verlaine, l’autre c’était Rimbaud, pour faire des poèmes, on ne boit pas de l’eau » chantait Barbara dans son ode à l’absinthe. Voilà le type d’information rigoureusement indispensable que vous pourrez piocher dans cette bible du gosier desséché. Ainsi vous saurez tout sur l’absinthe, la reine des anisés, cet « alcool d’or, qui nous grise le cœur et coule dans nos veines » poursuit Barbara, mais mise au banc des accusés et interdite de 1915 à 1999.

Faut-il sabler ou sabrer le champagne ? Bonne question. Voici la réponse : « le plus impressionnant consiste à sabrer le champagne. Ce qu’effectuaient les hussards avec le dos de leur lame… Sabler le champagne se disait lorsque la maîtrise de la deuxième fermentation n’était pas encore entrée en vigueur et que certains buveur saupoudraient leur verre de sucre pour faire réagir l’alcool qui dégageait alors de bulles »… Une distinction très utile pour crâner lors d’une soirée de premier de l’an !

Après tout cet alcool, une petite pause du côté de l’eau s’impose. « Chaque être humain absorbe plus de 35 000 litres d’eau au cours de son existence… » Est-ce utile me direz vous ? Pas vraiment. Maintenant, si nous vous disons que « le corps nécessiterait 2,5 litres d’eau par jour pour fonctionner, dont un litre est déjà apporté par les aliments », vous êtes nettement plus intéressé… Mais que boire ? Eau de source, eau minérale, eau du robinet, ferrugineuse, ou bien de la Wattwiller, celle qui est réputée pour ses facultés anti-dépressives… Pas assez cher mon fils !

« L’homme doit au vin d’être le seul animal à boire sans soif », disait Pline l’Ancien, (à ressortir lorsque l’on vous sert à table un bon verre de vin par exemple). Les auteurs abordent le domaine fort épineux du vin. Comment s’en sortent-ils ? Par la grande porte évidemment : château Margaux, Haut Brion, Cheval Blanc, Yquem, difficile de faire mieux pour présenter le Bordelais. Mais ce sont les amateurs qui en parlent le mieux : « le Bordeaux et le Bourgogne représentent deux conceptions du vin qui se différencient comme les philosophies de Voltaire et de Rousseau, le théâtre de Corneille et de Racine, l’Atlantique et la Méditerranée », écrit Jean-Paul Kauffmann journaliste et fin connaisseur de la dive bouteille.

Le problème avec cet exercice éditorial périlleux c’est que l’on a parfois l’impression de frôler la publicité. A l’image du petit paragraphe sur l’Ice Kube Bar ou celui sur Cointreau… Quant au texte sur le beaujolais nouveau, on aurait aimé davantage d’esprit critique sur un produit marketing qui fait tant d’ombre aux grands crus du beaujolais… Mais les auteurs nous ont prévenus : subjectif on vous dit !

Une fois le chapitre boissons refermés, une seule question nous interpelle : à quand la sortie du prochain ouvrage « Des plats et des hommes » ?

Des boissons et des hommes par Deborah Rudetzki et Philippe Martineau
Editions du Cherche Midi 232 pages, 35 €

http://leblogdefoiegras.blogs.nouvelobs.com