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Madeleine Gay, l’ivresse de l’écolo rebelle

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Mer 7 Jan 2009 13:13

Le vin et Madeleine Gay, c’est une histoire qui tient plutôt de la vendange tardive que du beaujolais nouveau.

Pour une fois, il faut se fier à la photo. Et surtout au perfecto. Madeleine Gay est une rebelle. Dans un Valais qui attend toujours sa première conseillère d’Etat, la Sédunoise a été élue vigneronne suisse de l’année 2008. Au nez et à la bouche du jury. Mais surtout à la barbe de tous ses collègues masculins. La dame de Sion se dit d’ailleurs ouvertement «féministe, de gauche et écologiste». Dans un canton qui ne porte pas particulièrement aux nues ces valeurs. Alors, quand nous lui avons appris qu’elle avait été désignée personnalité économique de l’année par les lecteurs de la Tribune de Genève devant Dominique Biedermann, le directeur d’Ethos, son sourire en disait beaucoup plus long que bien des mots.

Le vin et Madeleine Gay, c’est pourtant une histoire qui tient plutôt de la vendange tardive que du beaujolais nouveau. Elle qui n’a touché à son premier verre qu’à 22 ans, «un bordeaux, chez des amis. Avant cela, je trouvais que l’alcool n’avait qu’une faculté: rendre les gens bêtes et grossiers. Pour l’idéaliste que j’étais, qui aimait remettre en cause la société autour d’une table, l’ivresse ne pouvait que nuire à l’intelligence des discussions. » Et pourtant, la texture et le soyeux du grand cru auront raison de ses réticences. Avec, en filigrane, une question: «Pourquoi le Valais s’obstine-t-il à produire une gouille de fendant au lieu de remettre au goût du jour ses vieux cépages?»

Fille d’un «citadin idéaliste libertaire» qui a quitté la ville pour vivre «en autosuffisance dans une ferme», Madeleine Gay range alors ses envies de voyages humanitaires en Asie et en Afrique pour retourner à l’école de la terre. D’abord l’agriculture à Châteauneuf, puis l’œnologie à Changins. Fraîche diplômée en 1981, elle écrit à Provins, la plus grande coopérative vitico-valaisanne produisant alors «99,9% de fendant et de dôle». Proposant qu’on analyse la terre pour y planter, en rendements limités, vieux rouge du pays (le cornalin), petite arvine ou autre ermitage. Et remplacer le paiement au kilo par des contrats de culture à revenu fixe. «A l’époque, se souvient-elle, un peu comme pour les banquiers aujourd’hui, plus on produisait, plus on forçait l’admiration. »
On lui dit oui, mais on la relègue dans un box. Pendant plus d’une décennie. Par la force des choses, elle deviendra une précurseure des vins de garage. «Les vignerons sont des terriens qui n’aiment pas les conseils des autres. Alors imaginez leur tête lorsqu’une écolo leur dit qu’il faut arrêter de mettre systématiquement de l’engrais. Ils ne me détestaient pas, ils me méprisaient. Pour eux, la femme devait avoir une casserole dans une main et un fer à repasser dans l’autre. On m’a longtemps laissé faire parce que je ne gênais personne. » Et puis, en 1992, arrive le nouveau directeur, Jean-Marc Amez-Droz. Qui la sort du placard après des années «de lutte, d’agressivité, de provocations. Il a tout de suite su qu’on ferait la différence avec des spécialités. »
Depuis peu responsable des achats chez le géant grossiste Bataillard, après un passage dans le groupe Hess, Jean-Marc Amez-Droz se souvient encore «de la vision de précurseur, de la rigueur sans concession de Madeleine . A une époque où cela demandait une immense force de caractère, une persévérance digne des plus grands diplomates.

Une indépendance d’esprit qui fait qu’elle n’hésite pas, parfois, à mettre ses supérieurs devant le fait accompli. Ce qui ne facilite pas toujours le travail d’équipe. » Epouse d’œnologue – son mari, Stéphane Gay, est le fondateur de la Charte Grain Noble ConfidenCiel défendant les grands vins liquoreux flétris ou rôtis du Valais –, Madeleine Gay ne signera sa première étiquette qu’en 1997. Le regard des autres change définitivement en 2002. «Nous étions les seuls Suisses à avoir fait une médaille d’or à Paris. Les sociétaires m’appelaient désormais «notre œnologue». Aujourd’hui Madeleine Gay, meilleure ouvrière du pays, est l’argument marketing numéro un de Provins.

Bio Express

1953 Naît à Sion. Enfance dans une petite ferme imprégnée d’autarcie. Une mère «très pragmatique qui nous interdisait la TV», un père «idéaliste libertaire, nous assurant qu’il y aurait toujours du pain à la maison».

1980 Après des études scientifiques, entreprend un voyage humanitaire en Asie et en Afrique. «Je voulais sauver le monde de l’injustice. Je me suis rendu compte que je n’étais finalement qu’une simple touriste.»

1981 Une des premières femmes à sortir diplômée de l’Ecole d’oenologie de Changins. Entre au laboratoire chez Provins.

1997 Signe sa première étiquette sur la ligne Maître de Chais, la plus prestigieuse de la maison.

2008 Elue vigneronne de l’année du Grand Prix du vin suisse.

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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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