SAINT-ÉMILION. Après l'annulation du classement de 2006, huit propriétés lésées retrouvent leur rang grâce à un vote du Parlement
La nouvelle est tombée ce week-end : les huit propriétés de Saint-Émilion (1) sans classement à la suite d'une décision de justice, ont finalement retrouvé leur rang. Un amendement les concernant dans la loi de finance rectificative pour 2008 a été voté vendredi par le Sénat (avec avis favorable du gouvernement), avant de passer samedi devant la commission mixte paritaire Assemblée / Sénat, qui l'a avalisée à son tour.
Le texte devrait être définitivement adopté cet après-midi par le Parlement. « J'attends que la loi soit votée. Mais si c'était le cas, ce serait une très bonne nouvelle », indiquait hier Nicolas Thienpont, l'administrateur du château Pavie-Macquin. Pour les grands crus concernés, ce serait un beau cadeau de Noël après une année 2008 plus que mouvementée.
Une situation inextricable
En juillet dernier, le tribunal administratif de Bordeaux jugeait non valable le classement de 2006, qui avait consacré, entre autres, les huit châteaux en question. Quelques jours plus tard, un amendement législatif redonnait vie au classement précédent, celui de 1996, excluant de fait le club des huit. C'est ce classement qui s'applique aujourd'hui.
« Avec cette décision, dix ans de travail étaient réduits à néant », souligne François Despagne, propriétaire du château Grand Corbin-Despagne, le seul à avoir été déclassé en 1996 avant de réintégrer le classement en 2006. « À l'époque, j'avais accepté les règles du jeu et j'avais tout fait pour revenir dans le classement. » Tous n'avaient pas eu la même réaction.
Ces viticulteurs Saint-Émilionnais (2) n'acceptant pas leur déclassification entraient en procédure, représentés par Me Jean-Philippe Magret. Ils dénonçaient l'inégalité de traitement entre les candidats. Par son jugement de juillet 2008, le tribunal bordelais leur donnait raison. Moralité, les huit nouveaux classés de 2006 se retrouvaient dans une impasse, leur promotion n'ayant plus aucune reconnaissance officielle.
Un statut pour tous
Parallèlement à une nouvelle action menée en justice, deux élus locaux, le sénateur Gérard César et le député Jean-Paul Garraud, prenaient le dossier en main.
« Il fallait régler cette affaire au plus vite », souligne Jean-Paul Garraud. Pour se hisser au rang des grands crus classés, les huit propriétés nouvellement promues avaient fait des investissements considérables « évalués à 10 millions d'euros », précise le député.
Certaines étaient même menacées, à la demande d'acheteurs du monde entier, de devoir refaire une partie de l'habillage des bouteilles portant la mention « Grand cru classé ». Dans cette affaire, les enjeux financiers et fonciers sont énormes. À titre indicatif, sur le marché, la différence de prix entre un grand cru classé et un simple grand cru est de 30 %.
« Sans compter que l'image de marque des vins de Saint-Émilion en a pris un coup. Cet amendement va permettre d'apaiser la situation », assure Jean-François Quenin, le président du Conseil des vins de Saint-Émilion. À noter que la modification qui devrait être votée cet après-midi concerne les récoltes allant de 2006 à 2009. À côté de tous ces travaux législatifs, la procédure en justice est toujours en cours.
« La cour d'appel de Bordeaux doit statuer le 29 janvier », précise Me Magret qui, au regard de la situation, s'interroge à sur le bien fondé de ce passage devant la cour d'appel. Selon lui, réfléchir à un nouveau classement pour 2010 mettrait fin à toute polémique.
(1) Troplong-Mondot, Pavie-Macquin, Bellefond-Belcier, Destieux, Monbousquet, Fleur-Cardinale, Grand Corbin et Grand Corbin-Despagne.
(2) La Tour-du-Pin Figeac, Croque- Michotte, Petit-Faurie de Soutard, La Marzelle, Guadet Saint-Julien, Cadet Bon, Villemaurine.
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