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De tout et de rien, du moment que ça parle de vin.

Grâce au web-vigneron, vendangez vos cadeaux

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Sam 20 DĂ©c 2008 20:21

C’est un cadeau qui relègue à la préhistoire les tire-bouchons, une initiative que l’on doit à « des passionnés du vin ». Je résume: vous offrez des pieds de vigne dans un domaine et suivez, grâce à des informations en continu, à des stages (découverte, vendange, assemblage), l’élaboration de votre cuvée dont il vous reviendra des bouteilles avec des étiquettes personnalisées.

La matérialisation –il faut bien mettre quelque chose au pied du sapin- se manifeste par un « colis de bienvenue », lequel comprend un pot de terre prélevée dans « vos » vignes, un plant de vigne, une présentation de votre parcours et du domaine et un certificat de web-vigneron. Le rendez-vous a lieu devant votre ordinateur.

Dans ce cadeau, ce qui me plaît, ce sont les mots qui l’habillent. Il est question de « partager leur passion » (celle des vignerons tout court), de « visiter les coulisses », de « vivre toute la magie de l’élaboration du vin », de « rencontre », de « donner vie à son rêve de devenir un jour vigneron », de « respect du terroir et de l’environnement », de « qualité », de « lien privilégié », de « sites d’exception ». Manque à l’appel le mot authentique, bien aussi.

L’œnotourisme, un marché en plein essor

Plus généralement, l’œnotourisme est un marché en plein essor, appelé aussi dans sa version papi-mamie, tourisme viti-vinicole. Il a ses déclinaisons luxueuses et spartiates où l’on paie pour vendanger.

Flèche du capitalisme viticole, Bordeaux avec ses châteaux arrive en tête. Le concept est né aux Etats-Unis où les Californiens, depuis qu’ils cultivent des vignes, associent le vin à des expositions d’art (moderne) et des concerts donnés dans les « wineries ». C’était un moyen d’amener l’Américain à sa consommation, de créer un marché en faisant du vin un marqueur social, CSP plus, avant de décliner, du haut vers le bas, la pyramide.

L’entreprise est couronnée de succès. Wine Spectator, « the revue of wine », fête ses 2,58 millions de lecteurs, les Américains disputent à la France la place de numéro un pour la consommation -en volume, car par habitant, cela fait toujours beaucoup moins étant donné qu’il y a encore chez nous des ivrognes- et pour la première fois cette année, leurs vins sont davantage au goût des Anglais que ceux des Français. Ce qui a fait la différence? Les petits rosés lesquels étaient, avec les bordeaux et bourgognes très chers, nos deux spécialités. La boucle est bouclée, nous voilà damnés.

Je reviens au web-vigneron et à ce que cela dit chez nous du transfert de statut du vin qui s’est opéré sans même que l’on en prenne réellement conscience. De moins en moins ouvrier et bourgeois à la fois, le vin, quand il n’est pas tout à fait « out » ou prohibé, est devenu « une passion ». Il se vit comme tel, nécessairement « partagé ».

On veut tout savoir de lui, de la roche mère dans laquelle il plonge ses racines -les terrasses villafranchiennes et autres géologismes-, de son mystère -le divin nectar-, de ses arômes -les coffrets dégustation « six cépages » et « monts et merveilles » sont aussi de chouettes cadeaux.

De boisson à « objet de passion »

Le vin n’est plus, au sens propre et figuré, une boisson désaltérante que l’on coupe volontiers avec de l’eau ou le signifiant d’une tradition, celle des repas du dimanche et de famille, mais un objet de passion, et dans sa version allégée, de plaisir, sur lequel il faut mettre des mots.

Mon père -il est en l’espèce générique- qui a toujours bu du vin sorti de sa cave, de « la bonne petite bouteille » à la « grande », se fiant autant à son goût qu’au hasard des rencontres et bons plans, découvre à 80 ans qu’il n’y connaît rien. Il lui faut s’initier, balbutier, maîtriser. Cette soudaine ignorance lui ôte-t-elle la faculté d’aimer?

Bien sûr, tout cela est du registre du marketing, et comme dit le proverbe, « on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre ». L’inconvénient avec le marketing, c’est qu’il s’empare de l’imaginaire jusqu’à en extraire son humanité. Quiconque a vécu la passion, amoureuse ou autre, sait qu’elle s’accompagne aussi de larmes et d’ivresse, cette dernière étant bizarrement oblitérée du discours sur le vin.

La passion du vin dit combien celui-ci, métaphore de la vie, nous est devenu extérieur, un contresens. Vous me direz: à la différence des produits de la mer, ce produit de la terre échappe au syndrome du poisson à la forme rectangle.

Ce qui m’intéresse encore et surtout dans le vin, c’est justement la part qu’on ne maîtrise pas, celle pour laquelle il n’y a pas de mots y compris quand l’alcool commence à faire son effet et les libère. Cette année, le vin que donnent les cinsault ne sera pas rouge clair, mais rouge tout court. Chaque année, je tente de les assembler aux grenaches, aux mourvèdres et aux marselans, un peu, beaucoup. Chaque fois, cela ne ressemble à rien. Pourquoi? Cela reste un mystère. Joyeux Noël et bonne année.

Par Catherine Bernard , Vigneronne , http://www.rue89.com
La vérité est dans la bouteille ..( Lao Tseu )
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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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