L'appellation reine des blancs liquoreux produit des vins à la troublante séduction, des vins chics et glamour. Bérénice Lurton, Corinne Biarnes et Martine Langlais-Pauly racontent leur passion de vigneronne pour un nectar envoûtant.
Pour Corinne Biarnes, cela ne fait aucun doute : le sauternes est « beaucoup plus féminin » que les autres vins. Energique et drôle, la propriétaire du Château Suau est née tout près, à Langon. Et même si elle s'occupe aussi du Château Archambault, en graves, elle reste viscéralement attachée à sa terre originelle. « Sauternes est vraiment un endroit unique, poursuit-elle. C'est le berceau du liquoreux. Produire un tel vin est compliqué mais tellement ludique ».
Ce « jeu » des plus délicats, Bérénice Lurton le pratique depuis qu'elle a 22 ans. Après des études à Sciences Po Bordeaux, elle a hérité du Château Climens, un des mythiques domaines de Barsac, sans y être vraiment préparée. « J'ai commencé avec des millésimes épouvantables, témoigne la fille d'un des plus grands noms du vin à Bordeaux. Cela a été très dur pendant longtemps. Et le sauternes demande toujours un travail de fou, avec à l'arrivée un vin fabuleux ».
Loin de la technologie médocaine, de l'emprise des œnologues gourous, le fameux blanc liquoreux demande un suivi maniaque de la vigne, des vendanges manuelles grappe par grappe, pour guetter l'optimum de la pourriture noble, qui donne ce côté confit caractéristique au vin, sa longévité exceptionnelle aussi.
Cette exigence de chaque instant n'a jamais effrayé Martine Langlais-Pauly, du Clos Haut-Peyraguey. Après avoir géré une clinique psychiatrique, elle a décidé en 2002, à 52 ans, de reprendre la propriété familiale. Ce changement radical de vie, elle l'avait préparé de longue date, multipliant les cours et les stages, alors que son père ne voyait pas cela d'un très bon œil. Aujourd'hui, elle rayonne.
Cuisine asiatique, plats épicés
« J'ai tout de suite été très exigeante, bien décidée à tirer notre vin vers le haut, à exploiter au maximum notre superbe terroir ». Cette volonté de faire toujours mieux, on la retrouve dans la majeure partie des crus classés de sauternes, depuis peu présidés par Bérénice Lurton. Reste un problème récurrent, celui de la perception des consommateurs, souvent bloqués par les idées fausses.
« Notre image est désuète, on nous cantonne au foie gras et à Noël, reconnaît la jeune vigneronne. Et pourtant, le sauternes a l'avantage de pouvoir se boire jeune, sur le fruit, ou de se garder des décennies. De plus, les accords mets-vins sont innombrables, particulièrement avec la cuisine asiatique, tout ce qui est épicé ».
Dans ce registre, Martine Langlais-Pauly cite par exemple le turbot à la sauce aigre-douce (avec poivrons, nuoc-mâm, ananas frais et gingembre) ou les saint-jacques rôties aux herbes et parmesan (sans oublier le poivre blanc et le piment d'espelette). Corinne Biarnes, elle, a la gourmandise généreuse. « Je suis tombée dans le sauternes toute petite, j'en bois avec presque tous les plats. Enfant, le dimanche, c'était poulet-frites très salées… et un petit verre de sauternes. Ce genre de tradition ne s'oublie pas ! »
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