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[Jean-Pierre NIEUDAN]

Après la Champagne, le vignoble bordelais a décidé lui aussi de faire son bilan carbone.

L’opération a été menée par les services techniques du CIVB (interprofession des vins de Bordeaux), avec l’ADEME, agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, et Jean-Marc Jancovici, spécialiste de ces questions. Il s’agissait d’évaluer l’émission des gaz à effet de serre, tout au long de la filière viticole girondine, afin de lutter contre le réchauffement climatique.
L’analyse a pris plusieurs mois, au prix d’enquêtes très fouillées sur le terrain, afin de prendre en compte toutes les données du problème, sans en omettre aucune. Le résultat est tout entier inclus dans un seul chiffre: 200.000 tonnes. En effet, la totalité des activités liées de près ou de loin aux vins de Bordeaux génèrent 200.000 tonnes d’équivalent carbone par an, soit autant que le ferait une ville de 85.000 habitants. Le CIVB a immédiatement décidé de réduire ces émissions de 15% d’ici cinq ans.
En présentant ce bilan carbone, Jean-Marc Jancovici a pointé évidemment les causes. La première, c’est l’ensemble des «matériaux entrants», c’est-à-dire le verre des bouteilles, les cartons, les engrais, les produits phytosanitaires et tous les produits chimiques et plastiques. Leur fabrication et leur utilisation sont responsables de la moitié des émissions de gaz polluants, c’est donc là que les économies doivent être réalisées en priorité.
La seconde cause relève de tout ce qui concerne le fret et le transport, qu’il s’agisse du vin lui-même, ou du mouvement des tracteurs consommateurs de fioul, ou des voyages de plus en plus nombreux des producteurs en avion ou des clients en voiture. Le fret routier est particulièrement montré du doigt. Et reviennent à cette occasion les éternelles questions: pourquoi embarquer le vin et le cognac au Hâvre, quand on devrait le faire au Verdon ou à La Rochelle? Question sans réponse à ce jour.
A travers une stratégie anti-gaspillage, le vin de Bordeaux et tous ses fournisseurs pourraient parvenir à une diminution très importante de leurs rejets de CO2 dans l’atmosphère. Les Champenois par exemple étudient la possibilité d’alléger le poids de leurs bouteille; d’autres pensent à des palettes de 900 bouteilles au lieu de 600; en Gironde, on réfléchit à l’utilisation des sarments, généralement gaspillés ou brûlés sur place, comme combustibles de chauffage, etc… On parle aussi de développer le fret maritime et ferroviaire, de limiter les produits de traitements dans la vigne, de privilégier l’emploi de métaux recyclés. Les pistes d’économie d’énergie sont multiples mais relèvent toutes de la même exigence: limiter partout où c’est possible la combustion des hydrocarbures, c’est à dire du pétrole, du gaz et du charbon, dont les gaz sont les premiers responsables des changements climatiques.

Source : http://www.lejournalduvin.com