Un travail pionnier de la faculté d'œnologie rend plus fiable l'art de bien déguster.
C'est à la faculté d'œnologie de Bordeaux, installée depuis deux ans dans les locaux flambant neufs de l'Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV), à Villenave-d'Ornon, que se trouve une des plus belles salles de dégustation de France. Soixante-treize postes de travail avec crachoir et lumière adéquate, sol et mur blanc pour éviter toute pollution visuelle, atmosphère en surpression empêchant toute odeur extérieure de pénétrer dans l'enceinte, et eau traitée pour chasser des notes chlorées perturbatrices lors du rinçage des verres.
Car la dégustation, longtemps parent pauvre du monde viticole, est devenue ces dernières années une priorité. L'objectif ? Que les professionnels parlent le même langage quand il s'agit d'identifier et de caractériser les défauts. Sachant que les vins d'AOC doivent avoir une qualité minimale pour être mis en marché (des contrôles sont menés par des organismes spécialisés), l'enjeu est d'envergure. Ceux qui jugent doivent être fiables. Autrefois empirique (beaucoup croient savoir et en fait se trompent...), les techniques de dégustation se professionnalisent afin que l'aléatoire laisse place à la fiabilité, y compris, si besoin était demain, devant un tribunal.
C'est là qu'intervient le travail novateur mené par les équipes du Périgourdin Gilles de Revel, professeur à la faculté d'œnologie et spécialiste de la dégustation. « Le nez plongé dans le verre, nous avons tous des sensibilités aléatoires face aux différents défauts des vins. Certains sont hypersensibles à une molécule et faibles quand il s'agit d'en déceler une autre. Tout le monde peut progresser en s'entraînant, comme en sport, mais le dégustateur parfait n'existe pas. »
300 cobayes
L'homme vient de superviser une thèse menée par la Paloise Sophie Tempère, issue du monde de la parfumerie. Près de 300 personnes ont servi de cobaye pour arriver à mettre en équation les facultés olfactives de chacun, y compris dans leur aspect psychologique, ce travail ne portant pour l'instant que sur les arômes (le nez) et non sur les perceptions en bouche.
Qu'en est-il alors du « végétal » (herbacé, lierre), du « moisi terreux » (goût de bouchon, terre humide), du « réduit » (œuf pourri, ail), de « l'animal » (écurie, sueur de cheval) ou de « l'acétique » (odeur de vinaigre, vernis à ongle) ? Soit autant de défauts identifiés et qu'aucun vin arrivant sur le marché ne doit avoir. « Le vin abrite une centaine de molécules odorantes. Même des non professionnels peuvent être très sensibles à certaines d'entre elles. À terme, notre travail peut révéler le dégustateur qui est en chacun d'entre nous », avance Gilles de Revel. Une manière de dire que personne n'est condamné à ne pas savoir déguster du vin. Une belle nouvelle.
César Compadre
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