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[Jean-Pierre NIEUDAN]

La consommation au verre proposée dans les bars et les restaurants contribue à l'essor du vin en carton, snobé par les châteaux renommés.

Ce n'est pas encore une tendance de fond, mais c'est déjà plus qu'un phénomène marginal. Les ventes de vins de Bordeaux en Bag-in-Box - BIB pour les intimes - augmentent depuis deux ans. «En 2009, 158 500 hectolitres de vins de Bordeaux ont été vendus en BIB en grandes et moyennes surfaces, détaille Sara Lesage, du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB). Soit 11 % des volumes. Ce conditionnement est en hausse: +16 % par rapport à 2008.»

De grandes enseignes, comme Carrefour, commencent à proposer du vin d'appellation sous ce format: un réservoir souple dans un emballage en carton. Dans le vignoble bordelais, des viticulteurs de grande appellation d'origine contrôlée (AOC) comme montagne-saint-émilion, graves, pessac-léognan ou médoc acceptent aujourd'hui de vendre une part de leur production en BIB de 2, 3, 5 ou 10 litres. À l'image de Michel Gonet, propriétaire récoltant au Château d'Eck (pessac-léognan), qui a eu il y a quinze jours les honneurs d'un reportage au journal télévisé local de France 3.

« Buveurs d'étiquette »

D'autres domaines viticoles comme Château Bonneau (montagne-saint-émilion), Château Laroche ou Lagrave d'Arzac (graves), des propriétés du Médoc ou de Listrac se sont laissés séduire. Les prix pour cette gamme de châteaux prennent un mouvement ascendant, au-dessus de 20 euros le BIB de 3 litres. Mais le «vin en carton» a du mal à percer au-delà de l'appellation bordeaux. Selon le CIVB, «l'AOC bordeaux rouge concentre 73 % des ventes en BIB. Suit l'AOC bordeaux rosé avec 14 % des volumes. Les groupes médoc et graves représentent 2 %». «On a encore aujourd'hui affaire à des buveurs d'étiquette», regrette Jean-Paul Lafage, pionnier du BIB dans le Bordelais. Autrement dit, pour parler crûment, le Bag-in-Box est toujours assimilé au «gros rouge». Pour un château coté, écouler son vin en carton, c'est se discréditer. Et pour le négoce bordelais, le BIB fait office d'invention du diable.

«Mais un vrai viticulteur ne sera pas choqué par la notion de BIB», assure Jean-Paul Lafage. À la tête de sa société de négoce Sopardis, et du concept de cave, bar à vins, restaurant sous franchise Vinomania, cet homme d'affaire basé à Cenon, dans l'agglomération bordelaise, en veut pour preuve les quelque 60 vignerons, toutes appellations confondues, référencés dans sa marque de BIB «Collection Verre après Verre» lancée au printemps 2000. «Le BIB souffre d'un déficit d'image, admet Jean-Paul Lafage. Beaucoup pensent qu'on ne peut pas mettre de bon vin en bag. Conneries! Ce n'est pas la bouteille qui fait le bon vin, c'est le vigneron!»

Conservation jusqu'à six mois

Le conditionnement en Bag-in-Box, avec son système de robinet et poche étanches, permet de conserver un vin jusqu'à six mois avant ouverture. Et trois semaines minimum après, sans oxydation. Le BIB séduit ainsi de plus en plus de restaurateurs qui peuvent vendre du vin au verre sans risque de le gâcher après ouverture, ce qui arrive avec une bouteille.

Outre Sopardis, dont le chiffre d'affaires atteint près de 2,5 millions d'euros, un autre acteur girondin commence à faire son beurre avec le vin de marque de négoce en carton: les Grands Chais de France, basés à Landiras (sud des graves), emploie aujourd'hui 450 salariés dans une usine high-tech.


Stéphane MORÉALE
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