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Le niveau X.O.

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Ven 30 Avr 2010 09:59

«L'ivresse la plus morale, la plus douce, la plus naturelle, est l'ivresse du vin, disait un chroniqueur du XIXe siècle. Les Allemands s'enivrent de mysticisme et deviennent idiots. Les Anglais se saoulent à la bière et deviennent misanthropes ou hypocondriaques. Les Chinois s'enivrent d'opium et deviennent abrutis. Les Arabes se défoncent au haschich et deviennent fous. Les Français s'enivrent de vins, et ils sont spirituels.» Remarquez, la façon de se dédouaner est ici fort belle.

Il y a dans le mot «spirituel» celui de «rituel», jeu librement consenti qui élève et donne des ailes, à la recherche d'un temps perdu car trop difficile (ou fastidieux) à gagner. Et puis il y a aussi dans le mot «spirituel» cet état dans lequel se concentre et fusionne l'esprit, tous les esprits. Le spirituel s'incarne et devient alors spiritueux, mot justement nommé «riche en esprits». Faut-il en remercier les Hollandais qui, dès le début du XVIIIe siècle, distillaient déjà à Amsterdam le «brandevin» fait à base de vin léger et peu acide de la région de Cognac? Toujours est-il que le cognac, roi incontesté des spiritueux, tient depuis le haut du pavé quand il est question de distiller, d'élever et de sertir dans l'écrin de ses plus beaux flacons de verre ces «eaux d'esprits» qui rendent le Français si disert après boire. Et là, je ne parle pas du Québécois qui s'y frotte à son tour!

Je l'ai fait pour vous cette semaine. Ma façon à moi de me dédouaner. Et comme je ne voulais y aller ni avec le dos de la cuiller ni dans de larges vaisseaux, plutôt dans des portions dé-à-coudre — dans les petits pots les meilleurs onguents —, j'ai volontairement opté pour le niveau X.O., dont la plus jeune des eaux-de-vie qui constitue l'assemblage doit impérativement séjourner un minimum de six ans en fût sous le climat charentais. Séjour souvent largement dépassé par les grandes maisons de Cognac. Il en va de même pour les mentions «Napoléon», «Extra» et «Hors d'Âge». Évidemment, à ce niveau de «spiritualité», il faut abouler la monnaie. D'où le dé à coudre au niveau des portions! Voici donc quatre Cognac X.O. parmi les grandes marques. À vous de voir si, comme le disait tout en se camphrant si allègrement l'Américain Charles Bukowski: «Le vingt-et-unième siècle sera spiritueux ou ne sera pas.»

-Otard Gold X.O. : la moyenne est portée ici à 35 ans d'âge, pour des vins issus de Grande Champagne complétés par les Borderies et les Fins Bois. Otard, c'est la plénitude discrète, d'abord vanillé et grillé puis droit et intense, avec un trait de noisette, une touche de beurre, une finale énergique et parfumée de cuir qui évoque la cravache Hermès sur les flans d'un pur-sang. Rien que ça! ****

-Courvoisier X.O. : 20 à 35 ans d'affinage pour un assemblage de Petite et de Grande Champagne avec une touche de Borderies. Une eau-de-vie d'envergure, profonde et épicée, cèdre et santal, glissant au palais avec une fluidité fraîche, stimulante, exquise de vitalité, de détail, de droiture aussi. Pour une nuit de pleine lune. ****1/2

-Remy Martin Excellence X.O. : 20 à 25 ans de doux sommeil sous les douelles de fûts de chêne du Limousin, pour une composition résultant d'un assemblage de Grande et Petite Champagne avec au moins 50 % de Grande Champagne. Le premier nez se démarque rapidement, à la fois sucré et fruité, ample et sensuel, captivant et engageant avec sa douce pointe de rancio noble, alors que la bouche suit d'une sève fine, moelleuse, presque grasse, dont la main de velours se fait longuement sentir sous le gant de satin. Le final est net, avec une pointe d'amertume qui relève et prolonge la joute longuement. ****1/2

-Hennessy X.O. : Axel et Bibiana Behrendt, dans leur livre Cognac - Le Guide de l'amateur (éd. Abbeville), parlent d'eaux-de-vie initiales qui ont pu mûrir entre 10 et 70 ans. Ici, l'art de l'assemblage est porté à son niveau le plus «spirituel», et ça se sent! Derrière la chaude robe topaze, un parfum modulé à l'extrême, comme une symphonie qui vous captive sans faire relâche. Il y a de la structure, oui, mais prise d'assaut par une substance fine, multidimensionnelle, harmonieuse et liée comme un long baiser. Un cognac de rêve qui, même éveillé, fait encore rêver. *****

Jean Aubry
http://www.ledevoir.com/loisirs/aliment ... niveau-x-o
La vérité est dans la bouteille ..( Lao Tseu )
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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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