"Notre clientèle "haut de gamme" précède les modes du vin"
Pour le 28e anniversaire du Repaire, Dominique Fenouil publie les Portraits de 33 vignerons de son choix, en l'honneur de ses coups de cœur et de ses amitiés de presque trente ans. L'ouvrage, tiré en 25 000 exemplaires sera offert aux clients des 31 Repaires de Bacchus de région parisienne, du 17 mars au 14 avril prochain.
Cet hommage est à la mesure de la revanche de Dominique Fenouil. En 2009, il a racheté son réseau de cavistes au groupe financier trinidadien CL Financial à qui il l'avait vendu en 2005 (le réseau devait alors être associé au site de vente de vin en ligne ChateauOnLine).
Comment a commencé l'histoire du Repaire de Bacchus ?
Nous étions trois amis passionnés de vin, cadres dans différentes sociétés. Je travaillais alors chez Philips. En 1983, nous avons racheté une boutique, rue des Acacias, dans le 17e arrondissement de Paris. Au départ, nous voulions en faire un club de vin. A l'époque, les cavistes étaient en train de mourir. On regardait davantage au prix qu'à la qualité, pour contrer la concurrence des grandes surfaces.
En tant que cadre et amoureux du vin, je ne cherchais pas au moins cher mais au plus qualitatif. La qualité coûte certes plus cher, mais on gagne 50 % de clients. Avec ce magasin situé dans un arrondissement très "cadre et professions supérieures", nous avons explosé le chiffre d'affaires dès la première année. Cela nous a permis d'ouvrir une deuxième boutique. Cinq ans après, au bout de six magasins, j'ai décidé d'arrêter mon travail, mes associés ont eux continué leur carrière.
28 ans plus tard, Le Repaire se porte bien...
Nous avons une progression à deux chiffres tous les mois. Avec un chiffre d'affaires de 11,4 millions d'euros par an. Nous avons fait des mois historique en décembre et janvier dernier. Cela contribue au moral ! Depuis le rachat (en 2009, suite à la faillite du groupe CL Financial), mon partenaire m'a laissé carte blanche. Nous n'avons pas d'acheteur. Avec mon directeur commercial, on fait la gamme, on goûte ensemble.
Votre expérience montre que les vins et la consommation évoluent
Avec 28 ans de carrière, j'ai du recul. Notre clientèle « haut de gamme » précède les modes. On sent actuellement une réticence sur les Bordeaux, à cause de la folie chinoise qui fait augmenter les prix. On ne peut raisonnablement continuer dans ce sens. Ma clientèle est une des premières à décrocher du Beaujolais nouveau. J'ai vu très vite que la mode des vins boisés saoulait. Et ce n'est pas un jeu de mots !
Côté champagne, les ventes ne faiblissent pas...
Le champagne est très important pour nous. Il représente 30 % des ventes. Jean-Noël Haton (le premier portrait du livre) est notre partenaire depuis 1983. Il fait partie de ces gens qui ont cru dès le départ à notre projet. Souvent, le champagne n'est pas considéré comme du vin, mais se rapporte au côté festif. Nous sommes à Paris où il est très consommé.
Il correspond également à un processus d'évolution sur les vins moins alcoolisés. Il existe d'ailleurs un véritable problème autour de ses vins de concours, trop alcoolisés. Il va falloir que la France opère un virage, comme en Italie.
Dans Portraits, vous avez photographié trente-trois "gueules du vin". Un choix difficile ?
Je me suis fait engueuler par tout le monde. Les vignerons me disaient "pourquoi je n'y suis pas ?" ! Il a fallut faire un choix. Je voulais m'assurer d'en avoir vingt-huit, j'en ai donc contacté plus. Au final, cela a donné trente-trois portraits. J'ai voulu que toutes les régions soient représentées. J'ai choisi des personnes qui collent à l'histoire du Repaire, dans le temps ou dans les personnalités atypiques.
C'est une histoire avec les vignerons qui ont compris notre démarche qualitative. J'ai un crédo : "Les gens ressemblent à leur vin". Comme par exemple Jean-Pierre Perrin, du château Beaucastel, un grand Monsieur du vin. Il dégage du charisme, je le connais depuis 1986...
La photo, votre deuxième passion ? Où s'est passé le shooting ? Les moments les plus marquants ?
Ils sont tous venus dans mon bureau de dégustation, situé au-dessus du magasin de la rue Montorgueil. Un ami photographe devait m'aider.
J'ai essayé la première photo, avec la famille Devillard. Ils ont beaucoup de retenue. Par nos rapports, j'ai compris que je pouvais les aider à se lâcher. Le naturel est plus évident quand on connait le photographe. Et finalement j'ai fait toutes les photos. Thierry Gardinier avait apporté une impériale de Phélan. Je lui demande ce que signifie pour lui Phélan Ségur, il me répond : "c'est mon bébé". Et voilà la photo.
Au domaine Venturi, en Corse, Manu Venturi est venu comme il est, en baskets. Du château Minuty à Saint-Tropez, Jean-Etienne Matton portait le pantalon qu'il met dans les vignes... Claude Chevalier est passé pour m'apporter des échantillons. C'est un type très vivant. J'avais déjà fait mon choix pour la Bourgogne. On prend quand même la prise. La photo est marrante et je la garde. Cela a été passionnant à faire !
Vos 31 magasins sont d'ailleurs situés uniquement à Paris et en région parisienne ? Pourquoi n'êtes-vous pas présent dans d'autres régions ?
A Paris, comme à Lille, on peut vendre n'importe quel vin car ce ne sont pas des régions viticoles. Nous avons tenté de nous installer à Poitiers et à Nice. A Nice, j'avais envoyé mon meilleur vendeur. Cela a été insupportable. A Paris je vendais 1800 bouteilles de Madiran, là -bas zéro. Les régions sont très attachées à leur vins et manquent de curiosité. Si on est à Nantes, on a une éducation, on s'habitue à un goût qui est moins ouvert. Si je veux ouvrir une boutique à Bordeaux, il faut qu'elle soit adaptée, avec une partie dédiée au terroir local. Récemment, le journal Le Parisien nous a qualifié d'élitiste. C'est vrai ! Nous avons une clientèle pour qui la gastronomie veut dire quelque chose. Je suis d'origine provençale, mais à Paris les racines sont moins prononcées, il y a un mélange, de l'ouverture.
Source : http://www.vitisphere.com/dossier.php?i ... sier=50516