Faute de communication et de mise en avant par le négoce, les merveilleux sauternes sont menacés. Le salut viendra peut-être de Chine...
Pour continuer à faire du bon sauternes aujourd'hui, il ne suffit pas d'avoir de belles vignes et de bien savoir travailler, il faut surtout avoir ce qu'Anne-Marie Léglise appelle "la fibre commerciale". Au Château de Lamourette, son papa, très bon viticulteur, ne l'avait pas, cette fibre. Lamourette n'a pas vendu son vin en bouteilles de 1955 à 1982 et cette absence se fait sentir encore aujourd'hui. Ce n'est pas la seule. Le vignoble sauternes-et-barsac (sauternes plus gras et savoureux, barsac plus tendre et élégant), qui se confond sous la dénomination commune sauternes, souffre terriblement.
"Il y a dix ans, louer ou acheter 1 hectare, c'était difficile. Aujourd'hui, on vient nous proposer de reprendre des domaines car les gens n'y arrivent plus", confie Paul Mercadier, de Château Tuyttens. "Malgré de superbes millésimes comme 2009, les prix de vrac au négoce sont très bas. On essaie de trouver des marchés nouveaux", explique Alain Charrier, qui produit un vin merveilleux à prix cassé au Domaine de Carbonnieu.
Alors que les Vendanges tardives alsaciennes sont devenues un produit à la mode, jeune et festif, le sauternes demeure scotché à une image ancienne de vin de foie gras et de dessert. Ce n'est plus tout à fait vrai. Le lancement l'an passé d'une démarche unifiant enfin tous les liquoreux bordelais sous la bannière Sweet Bordeaux semble localement porter ses fruits, mais cette démarche arrive bien tard. Ces vins subtils, d'une richesse aromatique incomparable, sont en danger, menacés de disparition.
Pour produire un sauternes, il faut de l'argent, assurer des vendanges manuelles par "tries successives". Long, coûteux et pour un rendement égal au cinquième de celui d'un vin rouge... Alors, chacun cherche sa voie commerciale. Salons, foires, dégustations chez les particuliers... tout est bon. "On fait des visites historiques d'une heure, et des concerts baroques autour du 14 Juillet", raconte Guillaume Perromat."Mon frère, visiteur médical, nous a amené une clientèle de pharmaciens et de médecins", ajoute Bruno Roumazeilles. Puis il y a la Chine et sa gastronomie, qui s'emboîte parfaitement au sucré de ces vins. Durant quatre jours en octobre, à Hongkong, au Wine et Dine Festival, le stand Sweet Bordeaux a été submergé : 10 200 dégustations... L'Asie, c'est l'espoir.
Jacques Dupont
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