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[Jean-Pierre NIEUDAN]

(Québec) Au vignoble l'Isle de Bacchus, à Saint-Pierre-de-l'Île-d'Orléans, Donald Bouchard vient de terminer ses vendanges en fin de semaine et déjà, il jubile en pensant à la cuvée 2010 qu'il embouteillera ce printemps. L'été chaud et sec que nous venons de connaître lui a fait cadeau d'une «récolte superbe, en quantité et en qualité», assure le viticulteur de 28 ans d'expérience. Et la tendance est généralisée au Québec.

Sur son vignoble à flanc de colline, les vignes plongent vers le fleuve dans un panorama d'automne exceptionnel donnant sur la Côte-de-Beaupré et le pont de l'Île-d'Orléans. Donald Bouchard se prépare maintenant à produire son vin de glace. Il accroche un filet à ses vignes et y dépose les raisins qui dormiront dehors jusqu'au moment de les récolter, fin décembre, quand le mercure se tiendra sous les - 8 degrés Celsius pendant quelques jours.

Entre deux rangées, il explique que «la vigne n'aime pas avoir les pieds dans l'eau. On a eu un été sec, alors c'est merveilleux pour le raisin». Sec, mais aussi chaud, long et précoce; autant de conditions favorables à la viticulture. «Je me penserais quasiment en Europe», rigole M. Bouchard.

Un raisin plus mûr est un raisin plus sucré, et un raisin plus sucré donne, règle générale, un meilleur vin. «On a hâte [de goûter à nos vins] parce que cette année, on a beaucoup plus de sucre dans notre raisin, et ça nous amène des arômes extraordinaires. J'ai jamais vu ça ici : j'ai une cuve de blanc à 12,9 % d'alcool naturel, avec une acidité de 7. C'est vraiment incroyable. Ça, c'est sur le cépage Léona, mais le Vandal-Cliche aussi, il était très beau cette année sur l'Île. On est très, très satisfait.

«Normalement, on devrait avoir plus d'arômes, plus de fruits, et un peu plus de complexité au niveau des arômes.»

En plus d'être belle et d'excellente qualité, la récolte a été abondante. Certains cépages ont donné à M. Bouchard un rendement de 50 % supérieur à la moyenne.

Tendance généralisée

Ses trois confrères de l'île d'Orléans rapportent aussi une récolte exceptionnelle. En fait, la tendance est généralisée au Québec, au grand bonheur des artisans, qui souffrent encore, malgré d'importants efforts, de préjugés tenaces de certains amateurs et sommeliers.

Charles-Henri de Coussergues, du vignoble l'Orpailleur, en Estrie, aussi président de l'Association des vignerons du Québec, n'a pas encore terminé ses vendanges. Et c'est tant mieux. Il a commencé tôt parce que ses raisins étaient déjà prêts, mais il étire la saison tant qu'il le pourra pour que les fruits mûrissent au maximum. «On a eu plusieurs bonnes années, mais dans mes meilleures, c'est 1991 et 2010», dit-il au bout du fil, après une dure journée dans les champs.

Le son de cloche est le même un peu partout au Québec. «En termes de qualité, c'est une année assez exceptionnelle. On a eu un printemps exceptionnel - il a fait 28 degrés en avril! -, qui est démarré tôt, et on a gardé cette avance tout l'été. On est arrivé à une maturité exceptionnelle au Québec», se réjouit
M. de Coussergues.

L'industrie est sur une lancée, poursuit-il. Non seulement les changements climatiques prolongent la belle saison, mais les techniques, les connaissances et l'organisation entre viticulteurs ont fait un énorme bond en avant ces dernières années.

Avec tout le chemin parcouru et ce millésime 2010 exceptionnel qui est à venir, «ça nous permet de se mettre de plus en plus sur la carte viticole mondiale», assure M. de Coussergues. Mais plus certain encore, conclut-il, «le millésime 2010 va faire parler de lui en 2011!»

Pierre-Olivier Fortin
Le Soleil
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