Index du forum ‹ Les rubriques ‹ Histoire du vin et de la vigne... découvrir le vin, l'aborder, s'informer ‹ Histoire de vin ‹ Presse du vin

[Jean-Pierre NIEUDAN]

A chacun ses vendanges : depuis quelques jours, tous les viticulteurs girondins ramassent les grappes de merlot et autres cabernet. Alain Juppé, maire de Bordeaux, souhaite, lui, récolter les fruits d'un projet de centre culturel et touristique du vin, une idée semée pendant la campagne des municipales de 2008. En fait, un serpent de mer depuis une quinzaine d'année, avorté deux fois.

Ce coup-ci, la municipalité et le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), qui réunit négociants et propriétaires, travaillent main dans la main. "L'idée est de parler du vin, pas uniquement du Bordelais, et de sa civilisation dans sa dimension universelle, avec une image qualitative à destination des touristes", explique Sylvie Cazes, conseillère municipale déléguée pour l'oenotourisme et pour la valorisation de la filière viti-vinicole. Copropriétaire, entre autres, de Lynch-Bages à Pauillac, 5e cru classé du Médoc, Mme Cazes est, dans la majorité municipale bordelaise, chargée de gérer cette mission de "centre culturel et touristique du vin" (CCTV).

Une nouvelle étape devait être franchie ce lundi 27 septembre : le conseil municipal est appelé à voter le lancement du concours d'architectes et de scénographes, dont les esquisses doivent être rendues d'ici à la fin de l'année. Un projet important que "ce grand équipement d'envergure internationale" prévu pour 2014, selon le comité de pilotage du CCTV, qui attend entre 50 et 100 réponses pour ce concours.

Le lieu, 10 000 m2, devrait être installé au bord de la Garonne, aux bassins à flots, un quartier en pleine restructuration urbaine. Il doit proposer un parcours de découverte, des expositions temporaires et permanentes, des ateliers polysensoriels, des spectacles, des films, des conférences mais aussi des restaurants, des bars et des boutiques à thème. Un investissement de 55 millions d'euros hors taxes, avec scénographie mais hors productions.

La mairie de Bordeaux sera propriétaire mais un prestataire privé se chargera de l'exploitation. "Bordeaux est une destination touristique depuis peu, avec 3 millions de visiteurs en 2009, et ça ne fera que croître au fil des ans", explique Philippe Massol, le directeur de l'association pilote du projet. "En même temps, il n'existe pas d'équipement touristique structurant ni à Bordeaux ni en Aquitaine", poursuit l'ex-directeur d'exploitation du Futuroscope.

CRÉATION DE 750 EMPLOIS

Dans ses projections, un minimum de 420 000 visiteurs annuels viendront au CCTV, entraînant 40 millions d'euros de retombées économiques directes, indirectes et induites, en vitesse de croisière d'exploitation, soit la perspective de création de 750 emplois équivalent temps plein sur l'Aquitaine. "L'objectif est clair, affirme Laurent Gapenne, vice-président du CIVB, chargé de ce dossier : le centre doit être un navire-amiral centralisant toutes les offres en matière oenotouristique, afin de permettre le départ des touristes vers d'autres circuits et activités de la région."

Le syndicat viticole de Blaye, le second vignoble du Bordelais en production derrière les bordeaux et bordeaux supérieur, adhère au projet : "S'il fonctionne comme un hub aéroportuaire à la découverte des vignobles, j'applaudis des deux mains, assure Jean Lissague, directeur du syndicat. Encore faut-il qu'il y ait une offre attractive dans nos vignobles et là, ça n'est pas gagné. Le centre pourra peut-être être un élément déclencheur pour créer un effet boule de neige."

Les petits viticulteurs loin de Bordeaux, et qui n'ont guère les moyens d'une politique oenotouristique offensive, s'interrogent : "On n'est pas contre mais ça n'est pas d'actualité et c'est mal venu, vu les difficultés actuelles de la viticulture", souffle Didier Cousiney, président du Collectif des viticulteurs, représentant la viticulture indépendante de la région bordelaise.

Le Conseil général de la Gironde (PS) a décidé de ne pas participer au tour de table financier, préférant un plan d'actions pour les viticulteurs fragilisés par la crise. Le Conseil régional d'Aquitaine (PS) hésite également devant le projet de CCTV, qualifié de "pharaonique", "ni prioritaire, ni d'intérêt général". La collectivité socialiste, froissée que ses remarques ne soient pas prises en considération, a cependant lancé une consultation pour demander si un tel centre culturel était éligible aux fonds européens de développement régional (Feder). Dix à 15 millions d'euros en sont attendus. Sans ces soutiens, le projet pourrait être compromis. Mais la ville de Bordeaux ne veut pas lâcher l'affaire, quitte à aller chercher de nouveaux partenaires… en Chine, s'il le faut.

Claudia Courtois
http://www.lemonde.fr/societe/article/2 ... _3224.html