Quand les cloches de l'Hôtel de Ville et de Saint-Just sonnèrent midi, hier, l'eau se transforma en vin. C'est l'instant magique de la fête de la véraison, rite ancestral célébrant le soleil et son action sur la maturation du raisin. Pas moins de trente-trois confréries ont défilé en centre ville.
Le 6 août, chaque année, la tradition s'invite au beau milieu du quotidien des vacanciers en balade à Narbonne. Occupés à faire les vitrines de la rue Droite, ils découvrent une cohorte de gens en costumes d'apparat défilant tout en brandissant divers étendards. Les confréries font toujours leur petit effet, si l'on en juge en tout cas au nombre d'appareils photos brandis sur leur passage.
La parade d'hier matin impressionnait d'autant plus que pas moins de trente-trois bannières avaient répondu à l'appel de la véraison... date importante s'il en est.
Du coup,pas question de se contenter d'une image de folklore vaguement historique. La fête du 6 août revêt une portée à la fois culturelle et cosmique : deux dimensions que les Consuls de Septimanie tiennent à expliquer, chaque été, à la foule massée devant l'Hôtel de Ville.
"Dans la Rome antique, le 6 août était considéré comme le moment privilégié pour assister à l'action du soleil sur le raisin, produit magnifique faisant notre âme et notre sang", raconte au micro le professeur Jacques Michaud, membre des Consuls. "Cette date correspond en effet à un grand moment solaire, à mi-chemin entre le solstice d'été et l'équinoxe. Ce jour-là , à Rome, on bénissait le raisin nouveau."
Bien des siècles plus tard, au même instant, Narbonne fête le miracle de la véraison. "Quand les cloches sonneront midi, l'heure du zénith, les consuls apporteront de l'eau puisée à la fontaine et la verseront dans deux amphores. Sous la chaleur du soleil, l'eau deviendra rouge." Effectivement : une fois le contenu des amphores vidé sur deux ceps de vigne, c'est bien du vin qui s'écoule le long des feuilles. "C'est le miracle de la nature", insiste Jacques Michaud. "
Ce rite est aussi une manière de contempler l'éternité, car il célèbre le renouveau. La mort n'existe pas : le vin exprime cette renaissance éternelle."
Pendant ce temps, dans les vignes, le raisin gonflé d'eau s'empourpre sous l'effet de la chaleur. Le ciel apporte sa contribution au travail du viticulteur, transcendant le fruit de la terre pour en tirer le plus précieux des breuvages. "L'amphore rapproche l'homme des Dieux", disait Horace, repris hier par les Consuls.
Des Consuls confortés par cette eau devenue vin : cette année encore, ils avaient raison.
L.O.
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