SALQUENEN Amédée Mathier a craqué pour les amphores en terre cuites . Ailleurs, on joue avec des oeufs , on plonge les bouteilles au fond des océans ou au coeur des glaciers . Choix marketing ou réel intérêt oenologique ?
Des raisins entiers plongés dans des amphores en terre cuite, ces dernières complètement enterrées... Une vinification spontanée et avec peu d'intervention humaine, comme le faisaient il y a 7000 ans les vignerons géorgiens. A la cave Albert Mathier et Fils à Salquenen, on semble remonter le temps.
Amédée Mathier s'est laissé envoûter, lors d'un voyage à l'Est, par ces méthodes ancestrales. Une partie de sa vendange 2009 s'est donc prélassée durant six mois dans des amphores importées directement de Géorgie. «Au départ, l'idée était de se démarquer, de faire des amphores un argument marketing, mais je me suis pris au jeu. Et revivre ces anciennes traditions tout en faisant ressortir le meilleur du vin, c'est passionnant.»
Pour sa part, Fadri Kuonen, l'oenologue de la maison, avoue avoir été d'abord sceptique puis complètement séduit. «J'ai eu une grande émotion lors d'un voyage en Slovénie en dégustant un tout grand vin rouge vinifié dans une amphore. Il était franc, frais, et fruité!» Pour ces vins de type oxydatif, quatre cépages ont été sélectionnés. «Nous avons tenté l'expérience avec des cépages de chez nous, qui se prêtent bien à l'oxydation, comme la rèze et l'ermitage», confie Fadri Kuonen. La petite arvine surmaturée a également bien réagi. Moins de succès pour le cornalin. «Je pense que nous n'avons pas choisi le cépage adapté, la masse tannique est insuffisante. Nous allons essayer avec un assemblage», déclare Amédée Mathier. Ces vins d'amphores sont actuellement élevés en fûts de cerisier pour le cornalin et en fûts d'acacia pour les blancs. Ils y resteront un an. Rendez-vous donc en août 2011.
L'oeuf de Cornulus
Du côté de Savièse, Dany Varone et Stéphane Reynard ont acheté une dizaine d'oeufs en béton et vinifient une partie de leurs blancs dans ces réceptables à la forme parfaite, dessinés à partir du nombre d'or. «Nous avons commencé avec le millésime 2008, et je dois dire que nous sommes plutôt bluffés du résultat. L'oeuf en béton apporte plus de minéralité au vin, plus de fraîcheur. Tout ça sans amener le boisé-vanillé qu'on retrouve partout dans le monde.» Dany Varone semble enthousiaste. «Si nous avons opté pour ces contenants, c'est vraiment pour mieux mettre en valeur le terroir et le cépage. Nous travaillons une grande partie de nos vignes en biodynamie; avec ces oeufs, on ne retrouve pas trace de colle ou de fer des cerclages.» Aucune interférence donc entre le vin et l'air à qui la porosité du béton permet de taquiner le divin breuvage par un effet de micro-oxygénation naturelle.
Pour l'instant, la cave Cornulus se contente d'utiliser ses cocons pour les blancs secs. La vinification est classique, seul change le récipient.
Du glacier du RhĂ´ne...
C'est en 1998 que la cave Le Nouveau Salquenen décide d'élever ses bouteilles de surmaturés au fond du glacier du Rhône. «Nous étions en quête d'espace pour remplacer une chambre froide artificielle. Mon frère Ivo a pensé utiliser le glacier du Rhône pur l'élevage de nos vins de dessert.» Diego Mathier précise que ce choix a été fait dans un souci d'écologie. «Ces vins nobles avec une teneur en sucre résiduel nécessitent une stabilisation continue à des températures proches du point de congélation. En tirant avantage des conditions naturelles du Valais, en usant du glacier du Rhône, nous profitons d'un froid naturel, sans consommation d'énergie, ni de champs magnétiques. De plus, la température est constante et l'humidité est toujours plus ou moins à 100%.» En mariant oenologie, écologie et argument marketing, la gamme Gemma est donc élevée en barriques de chêne français dans le glacier du Rhône.
... au fond de l'eau
Pour célébrer les 150 ans de la maison Charles Bonvin, Christophe Bonvin avait planqué des bouteilles dans plusieurs endroits emblématiques de la Suisse. Une caisse de «1858» avait ainsi passé quatre ans au fond du lac souterrain de Saint-Léonard, une autre avait plongé au pied du jet d'eau de Genève. «J'y voyais un intérêt par l'aspect inédit et éphémère de l'opération. A la dégustation, ce rouge avait très bien évolué, le froid conservant beaucoup de fraîcheur et de fruité au vin.»
Un peu plus loin, l'entreprise basque espagnole Bajo el Agua Factor s'amuse à faire vieillir du vin au fond de la mer, nous apprend le courrier international du 23 juillet 2010. Spécialisée dans l'exploration marine, l'entreprise possède également un laboratoire sous-marin de vieillissement des liquides.
Une cave de 500 mètres carrés a été installée au fond de la mer, au large de Plentzia (nord de Bilbao). L'entreprise Bajo el Agua a invité tous les vignobles espagnols à participer gratuitement à cette expérience, qui débutera en septembre.
Les appellations contrôlées Duero, Guadiana, Arlanza, Valdapeñas, Málaga, Toro, Jumilla et Rueda ont déjà répondu favorablement à cette initiative et d'autres devraient encore se joindre au projet. Tous les mois, des dégustations seront organisées par les participants afin de comparer avec des vins vieillis traditionnellement en cave.
France Massy
http://www.lenouvelliste.ch/fr/news/val ... s-9-215322