Alors que le monde viticole roussillonnais s'apprête à célébrer la Nuit de la Saint Bacchus, voici l'évocation d'un demi-dieu qui n'avait rien d'un ange !
En s'exportant récemment chez les étasuniens, Bacchus le bien-nommé ne manqua pas de susciter quelques louables interrogations sur ses origines.
Rien de plus normal alors que l'on se prépare à fêter comme il se doit, le 4 juin prochain, jour de la Sainte-Clotilde, quelques bacchanales de saison destinées à honorer le fin du fin du vignoble local.
Pour commencer, disons que Bacchus était à Rome ce que Dionysos était à Athènes, un frère de sang en quelque sorte assimilé parfois à l'ancestrale divinité italique baptisée Liber Pater. Fils de Sémélé et de Jupiter, dont il sortit de la cuisse, Bacchus doit son plébiscite à plusieurs versions.
La première dit que Junon, régulière de Jupiter, folle de jalousie aurait fait découper l'enfant en morceaux par les Titans pour le faire bouillir dans un chaudron. Transformé par Mercure en chevreau, Bacchus aurait ensuite été confié aux nymphes de Nysa à l'intérieur d'une grotte dissimulée par une vigne dont le dieu du vin se nourrit depuis. Sous une apparence plus humaine, après être allé chercher sa mère en enfer avec l'autorisation de Pluton, il fut reconnu comme demi-dieu et devint in petto celui de la vigne, du vin, de la danse, des plaisirs, de la végétation et de quelques excès qui en firent également celui de la fête, du théâtre et de la tragédie. On dit également qu'il se rendit dans la foulée en Egypte pour y enseigner apiculture et techniques agraires et qu'il combattit un lion dans la Guerre des géants, encouragé par Jupiter qui lui criait depuis son Panthéon : "Evoé, courage mon fils".
Bacchus, bacchantes et bacchanales
Une autre version relate que, dans les bosquets d'Arcadie, Bacchus s'éprend du jeune et beau Ampelos qui s'abandonne et finit par dompter le pastoureau au cours d'une terrible étreinte. La légende nous dit alors que l'éphèbe finit sauvagement encorné par un taureau et que du sol entaché par son sang sortira la vigne. Une vigne qui, en grec, se dit d'ailleurs Ampelos. La boucle étant pour ainsi dire bouclée, précisons encore que le culte de Bacchus inspira celui des bacchantes, femmes, muses ou nymphes destinées à célébrer les mystères du dieu du vin. On voyait ces dernières courir à demi-nues, échevelées, couvertes de peaux empruntées à quelques félins et la tête couronnée de lierre ou de pampre. Elles portaient le thyrse et suivaient Bacchus dans ce périple que lui avait imposé sa belle-mère Junon. Expéditions qualifiées d'orgiaques qui se déroulaient en pleine nature où les plaisirs champêtres viraient souvent au désordre libidineux.
Quoi qu'il en soit, Bacchus gagna ses lettres de noblesse dans la mémoire collective et le vin, n'en déplaise aux esprits chagrins, a depuis inspiré bien des auteurs. Abondamment cité dans la Bible il le sera quarante-neuf fois dans l'Iliade et quatre-vingt-cinq fois dans l'Odyssée. Souvent décrié, il renaît toujours de ses amphores, guide de l'esprit, montré du doigt par quelques gorgones et autres Diafoirus de service, il fera dire au Mercure de Molière : "J'aime mieux un vice commode qu'une fascinante vertu". Villon, Rabelais, Rutebeuf et Bruscambille se sont bien chargés de ne jamais le contredire.
Jean-Paul Pelras
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