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[Jean-Pierre NIEUDAN]

Plus de 5000 amateurs apprécient chaque été ces randonnées gourmandes. Fête des sens pour les dégustateurs, ou quête d'un sens identitaire pour les néo-Montpelliérains : tous les chemins mènent au vignoble. Explications et agenda bachique.

C'est la Clape qui a donné le clap de départ. Dimanche 16, sous un beau soleil et un vent d'enfer, un millier de marcheurs, verre à vin pendu au cou, font une boucle de cinq kilomètres sur ce terroir proche de Fleury-d'Aude. Un superbe décor, entre vigne, mer et étangs, pour savourer rosés, blancs et rouges, accompagnés d'un gaspacho de tomates anciennes, de noix de Saint-Jacques à la crème de céleri ou d'une cuisse de canette fermière confite en sauvagine. Ces Sentiers gourmands en Clape vigneronne sont organisés par les Coteaux du Languedoc: l'organisme qui regroupe les AOC régionales, et qui met également en scène les Vignes buissonnières en pic Saint-Loup (12 et 13 juin) ou la Circulade vigneronne en Terrasses du Larzac (3 juillet).

Ces balades-là, ce sont les superproductions du genre, les plus sophistiquées (avec parfois des cuisiniers étoilés comme les Pourcel), les plus chères (de 45 à 60 €), les plus courues et les plus anciennes. Tout a commencé il y a dix ans tout juste, avec un circuit au pic Saint-Loup qui attirait à peine deux cents pionniers.

Divin nectar

"Aujourd'hui, ils sont plus de 5000: 3000 au pic Saint-Loup, 1000 aux Terrasses du Larzac, 1000 à La Clape, et 300 à Pézenas quand ça se fait là-bas, se félicite Jean-Philippe Granier, oenologue des Coteaux du Languedoc, co-créateur de la formule avec le dégustateur Daniel Roche. "Et encore, on limite l'affluence pour garder une taille humaine: l'an dernier, on a refusé 900 personnes au pic Saint-Loup, qui seront prioritaires cette année."

Un succès d'autant plus marquant qu'il a encouragé une myriade d'autres manifestations, plus modestes - à partir de 5 euros -, mais tout aussi sympathiques. Muscats de Frontignan, côtes de Thongue, vins de la Moure, de Faugères, et même Grès de Montpellier: toutes les appellations locales, ou presque, ont désormais leur balade vigneronne (voir page ci-contre).
Sans parler des dégustations urbaines, et statiques, qui explosent elles aussi: telles les Estivales de Montpellier (à partir du 25 juin), rassemblant l'an dernier près de 20 000 personnes par soirée!

Qui sont ces fans de randos bachiques?

Des gens d'ici, bien sûr, souvent des quadras avec enfants, mais également des touristes, français, anglais, allemands ou belges. Une majorité de cadres moyens, pouvant dépenser une cinquantaine d'euros par personne.

Mais aussi des amateurs moins aisés: "Je connais un employé de la cave de Saint-Mathieu-de-Tréviers qui économise toute l'année pour s'offrir ce plaisir avec toute une bande de copains", témoigne Jean-Philippe Granier.

Un plaisir avant tout gustatif.

Pour les amoureux du divin nectar, c'est l'occasion unique de déguster en plein air une cinquantaine de vins. Sur la terre même où ils sont nés. Au contact des vignerons qui les ont élevés. Et en prenant le temps d'assimiler l'alcool tout le long de la marche et de ses haltes gastronomiques. Mais cette fête des sens est aussi, pour certains, une véritable quête de sens. Nous l'avons vu à de multiples reprises, de Valflaunès à Puéchabon, en passant par Saint-Félix-de-Lodez ou Saint-Michel-de-Grandmont : nombre de participants sont des "néo-Montpelliérains" qui cherchent à s'enraciner dans le paysage en découvrant ses meilleurs fruits. Les locaux "pur jus" ont également une démarche identitaire : parfois accompagnés de parents ou d'amis de passage, ils montrent avec fierté la richesse de leur terroir.

Et pour les viticulteurs, quel est l'enjeu?

Certes, ils vendent sur place, à la fin des balades, une partie de leur production: ainsi, La Clape a fait un chiffre d'affaires de 10 000 euros l'an dernier. Mais les balades servent surtout l'image des AOC Languedoc, et leurs ventes ultérieures: "C'est un excellent moyen de communication, par le produit, le paysage et le contact", résume Jean-Philippe Granier.

Enfin, ces circuits gourmands, et leur préparation, favorisent la cohésion interne d'une profession en crise: réunis autour d'une cause commune, les vignerons prennent plaisir à déguster, eux aussi, le vin de leur voisin.

Olivier Rioux
http://www.lagazettedemontpellier.fr/ac ... rticle=824