Index du forum ‹ Les rubriques ‹ Histoire du vin et de la vigne... découvrir le vin, l'aborder, s'informer ‹ Histoire de vin ‹ Presse du vin

[Jean-Pierre NIEUDAN]

Comme les vignes de Lavaux, le vignoble de l'île volcanique de Pico, dans l'archipel des Açores, est inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco, depuis 2004. Des milliers de petits enclos en pierres de basalte abritent des ceps et forment un paysage d'une beauté extraordinaire.

Célèbre pour son anticyclone, l'archipel portugais des Açores est formé de neuf îles en plein milieu de l'océan Atlantique, à quelque 1500 kilomètres de Lisbonne, presque à la même latitude. L'île de Pico, la deuxième par sa taille (447 km2), est dominée par le volcan Ponta do Pico, culminant à 2351 mètres. C'est le plus haut sommet des Açores et du Portugal.

Un vignoble unique

En voyage à Pico - ainsi qu'à Faial, sa voisine éloignée de 8 kilomètres seulement - les sociétaires de l'Appellation Chardonne ont découvert avec surprise des vignes poussant sur le flanc de la montagne, dans le basalte (lave), entourées de murets de la même matière. Parallèles à la côte, ces murs remontent progressivement vers le sommet de l'île. Erigés comme protection contre le vent et l'eau de mer, ils forment des milliers de petits enclos rectangulaires (currais), accolés les uns aux autres, où s'épanouissent les plants de vignes.
La hauteur et l'alignement des murs sont calculés avec une rigueur quasi scientifique, de façon à protéger la vigne du vent sans la priver de soleil. Mais l'avantage le plus étonnant de cette architecture complexe est ailleurs: les murets de pierre basaltique fonctionnent comme des serres naturelles, accumulant la chaleur pendant la journée et la libérant au cours de la nuit, ce qui augmente la teneur en sucre des grains de raisin. Cette méthode de culture s'est maintenue, pratiquement sans changer, depuis un demi-millénaire.
Ce paysage viticole modelé par l'homme offre une beauté extraordinaire et témoigne du travail de générations de petits paysans qui, dans un environnement hostile, sont parvenus à créer un mode de vie durable et un vin de grande valeur.


Protection nécessaire comme pour Lavaux

Cette viticulture en terrasses de basalte s'étendant sur près de 987 ha est depuis 2004 inscrite au Patrimoine mondial de l'Unesco.
«Pico et Lavaux, même combat!» Car c'est aussi pour empêcher l'empiètement progressif des habitations sur ces domaines viticoles tellement originaux que l'Unesco a accepté le classement de l'incroyable vignoble de Pico.
Les vignes y sont très anciennes. On dit que les premiers colons, au XVe siècle, amenèrent des ceps de vignes dans leurs cales.
C'est donc au prix d'efforts considérables et de milliers de tonnes de basalte déplacées que les habitants ont pu planter les ceps quasiment à même la lave. Il a aussi fallu percer la couche et introduire de la terre prise en partie de Faial pour faire pousser les précieux plants. A part la vue sur les parchets, on voit les vestiges de traces des chariots dans la lave ou encore un de ces chariots à roues pleines servant à conduire les tonneaux vers les bateaux.

Réticences

Selon l'expert Philippe Margot, beaucoup de viticulteurs de l'île ont mal réagi au classement de l'Unesco. Certains par ignorance, d'autres par crain- te de voir découvert leur arpent de paradis. «Tous ont trouvé dangereux tant de publicité autour d'un bien si intime et si exclusif», écrit-il.
A Pico, il y a tellement de murets qu'en les alignant ils feraient le tour de la terre. De ce travail colossal est né le vin du cépage verdelho, bien connu également à Madère.

willy rené biétry et Karine Etter

Source
Récit de voyage de Willy René Biétry, secrétaire de l'Appellation Chardonne, adapté et complété avec un article de Philippe Margot,
http://www.cepdivin.org