Un chef traiteur à la française qui a déjà sévi derrière les fourneaux de cinq tables à Bangkok. Rencontre avec une passionnée de la cuisine de terroir aux allures de missionnaire du goût...
Les Thaïlandais sont-ils ouverts aux saveurs françaises ?
Tout à fait ! Ceux qui ont eu l’occasion d’y être initiés deviennent même souvent des monomaniaques du genre. J’ai déjà vu certains de mes clients me suivre lors de mes différents changements de fourneaux. Et puis comme le vin commence à percer ici, ça facilite l’émergence des repas à la française. À mes yeux, les deux sont indissociables. Pas de vin sans cuisine, et pas de cuisine sans vin. Pour la Bordelaise que je suis,
c’est inconcevable !
Est-il facile de faire se faire un nom dans un milieu si masculin ?
Non. Mais je pars du principe que les difficultés sont faites pour être surmontées. Et puis la situation a tendance à évoluer dans le bon sens. Il est aujourd’hui moins exceptionnel d’entendre parler d’un chef étoilé au féminin derrière les fourneaux des meilleures tables du monde entier. Je pense notamment à la landaise Hélène Darroze qui dirige les cuisines du réputé Connaught à Londres, ou encore à Anne-Sophie Pic.
Pourtant, tout n’est pas gagné, et il reste encore beaucoup de chemin à faire. À Bangkok, je me suis déjà vu refuser des postes sur le seul motif que j’étais une femme. Un recruteur est même allé jusqu’à me dire que je n’étais pas suffisamment grosse pour incarner le personnage, et que je serai jamais capable de faire une cuisine d’homme.
Personnellement, je n’ai toujours pas compris ce qu’il entendait par cuisiner comme un homme. Pour moi, il y a seulement des recettes et des traditions, et non des cuisines spécifiques à chaque sexe. Et puis tous les cuisiniers du monde ont souvent hérité de cette passion grâce aux talents culinaires de leur mère !
Que dire de l’avenir de la cuisine française en Thaïlande ?
Je crois que Bangkok est arrivé à bout de ce que la ville peut compter comme restaurants français haut de gamme, qui n’ont de prestigieux que le nom. Les prix affichés y sont exorbitants et ne correspondent à la qualité des plats servis. Je pense qu’il faut essayer de développer le concept des brasseries et des bouchons. Des endroits où l’on servirait des plats de terroirs bon marché, sans pour autant y perdre en saveurs. Et puis j’aimerais que l’on revienne aux vraies recettes, que les crêpes Suzette soient de vrais crêpes Suzette. Et non ces vulgaires copies que l’on trouve sur tous les menus de la ville.
J’ai envie de lieux où l’on pourrait manger une vraie Garbure, un vrai Parmentier ou une Souris d’agneau qui ait du goût. Bref, des maisons où l’on fait la cuisine dans les règles de l’art. Nous avons la chance d’avoir une cuisine aussi diverse que savoureuse, alors exploitons la à sa juste valeur !
http://www.gavroche-thailande.com/actua ... lie-sibade