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[Jean-Pierre NIEUDAN]

Longtemps, la vinification a été l’apanage des hommes. La femme, bien que très présente dans l’exploitation viticole, restait dans l’ombre. En 2005, plus d’un quart des domaines de la région étaient menés par ces dames. Leur nombre s’est élargi depuis. La première association de vigneronnes en Languedoc-Roussillon a déposé ses statuts en juillet dernier. Ces femmes, actives et passionnées, marchent dans les pas d’autres, des pionnières plus en retenue, qui n’ont pourtant pas hésité à tout sacrifier pour la prospérité de leurs terres. Marie-Thérèse Miquel, du domaine de Barroubio à Saint-Jean-de-Minervois, est une de celles qui ont ouvert la voie.

Il est onze heures et des poussières. Sur la table, trois verres d’un excellent rouge et une assiette de charcuterie. Ces dames discutent à bâtons rompus. La conversation est très technique. Elles maîtrisent. Et ça ne cause pas chiffons ni manucure. Leur domaine, c’est plutôt la viticulture. Au menu du jour : le salon Vinisud qui se tiendra à Montpellier en février prochain. Parce que Vinifilles, nom de l’association de femmes vigneronnes en Languedoc-Roussillon, y organisera une soirée dont il faut soigner les détails. « Ce sera ouvert aux professionnels du vin et c’est l’occasion de nous faire connaître », indique Pascale Rivière, du domaine la Jasse Castel à Montpeyroux (Hérault), présidente du groupe dont les statuts ont été déposés en préfecture en juillet dernier. L’association est hébergée par la Pépinière à l'Internationale à Béziers, siège idéalement situé géographiquement parlant.

Quinze vigneronnes héraultaises, gardoises, audoises, catalanes ont rejoint depuis les rangs de l’association et donnent un aperçu de tous les crus AOC ou vins de Pays d’Oc que l’on trouve du Languedoc au Roussillon. « Nous y apportons aussi notre vécu. Chacune d’entre nous a une histoire. Que l’on soit fille de vignerons ou femme en totale reconversion, nos profils variés font notre richesse », confie la Belge Fabienne Bruguière, ancienne publiciste, qui en épousant un enfant de Lauret, s’est éprise des vins du pic Saint-Loup et a, avec lui, érigé le Mas Thélème. Toutefois que l’on ne se méprenne pas : Vinifilles n’est pas un club féministe. « Derrière chacune d’entre nous, il y a souvent un homme. On ne se positionne pas en opposition avec eux, on se complète, on est interchangeables », poursuit Valérie Tabaries-Ibanez, qui mène d’une main de maître avec son époux le domaine de Roquemale à Villeveyrac.

Vinifilles entend bien sûr promouvoir le travail des femmes vigneronnes, le produit qui en découle, et d’autre part défendre la profession et ses valeurs au sens large. Impulser un autre dynamisme avec la sensibilité et le langage propre à la gente féminine. Et par-dessus tout, insiste Pascale Rivière, l’association souhaite prévenir, éduquer tout un chacun, dont les plus jeunes : « On donne une image erronée du vin. C’est alcool à abattre. Nous voulons montrer qu’au contraire sa dégustation peut être un vrai plaisir, un savoir-vivre. Arrêtons de le diaboliser, consommons mieux en s’instruisant. C’est notre patrimoine, notre culture. » Paroles de femmes, d’épouses, de mères.

Patricia Guipponi
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