.Journal des primeurs 7 : rencontre avec Ariane KhaidaAriane Khaida, directrice générale de la maison de négoce Duclot : "Le négoce bordelais doit redevenir prescripteur !"Diplômée de l'école Centrale, Ariane Khaida a travaillé au sein du groupe LVMH, avant d'aborder l'univers du vin au château Ducru-Beaucaillou dans l'appellation Saint-Julien, puis à la tête de la maison Descaves, négoce historiquement dirigé par des femmes. Elle est, depuis deux ans, directrice générale de la maison de négoce Duclot, branche de la holding Videlot qui possède également Pétrus.
Le Point : Duclot n'est pas un simple négoce, quelles sont les différentes activités dont vous êtes aujourd'hui responsable ?Ariane Khaida : Duclot, ce sont 200 personnes, qui travaillent effectivement au sein de différentes activités. Il y a le B to C (business to consumer), autrement dit le contact direct entre l'entreprise et le consommateur final, un univers passionnant qui ne m'était pas familier. Nous avons 6 magasins : la cave du Lafayette Gourmet et la Bordeauxthèque à Paris, l'Intendant et Badie à Bordeaux, Chai & Bar à Bruxelles, et Chateaunet, une cave couplée au site internet chateaunet.com.
Nous avons également chateauprimeur.com, le seul site français dédié aux primeurs ; bien sûr l'activité d'export, et puis la vente à la restauration qui est un métier très contraignant, mais que l'on aime beaucoup. C'est notre structure la Vinicole qui commercialise les grands crus du Bordelais auprès de la restauration. En France mais aussi à New York, et bientôt à Los Angeles. C'est au travers de la Vinicole que nous avons mis en place l'opération « Carte sur table », un partenariat avec la restauration qui permet une fois par an de mettre en avant une sélection de grands bordeaux à prix raisonnables.
Comment appréhendez-vous le millésime 2015, du point de vue de la qualité des vins mais également du contexte commercial très spécifique des primeurs ?2015 n'est pas un millésime totalement homogène, mais globalement les vins sont très bons. On sent une demande comme jamais depuis 2009. C'est l'année du retour des Américains, et de l'Asie dans sa globalité… Pas seulement de la Chine. Il y a également une vraie demande européenne et spécialement de la part des Français.
C'est le premier grand millésime sans les notes du critique américain Robert Parker, et tous nos marchés sont matures, plus autonomes dans leurs choix ! Des gens qui veulent des Bordeaux mais pas à n'importe quel prix… Si ça s'envole comme en 2009 ou en 2010, le marché ne suivra pas. Il y a des indicateurs très positifs sur le livrable (les vins en bouteilles prêts à boire) dans une fourchette de pris entre 30 et 120 euros prix consommateurs, avec de la demande et des ventes régulières.
Comment voyez-vous l'avenir des ventes primeurs, et au-delà l'évolution du métier de négociant, pièce maîtresse du système ?Comme les dernières campagnes n'ont pas eu un franc succès, si on rate cette année, c'est dangereux pour l'avenir des primeurs. Ces dernières années, l'envolée des prix de certains crus emblématiques a fragilisé le système. Mais les propriétaires voyagent, reçoivent, échangent beaucoup, et semblent réagir, on sent qu'il y a une prise de conscience.
De même, le métier de négociant est en train de changer… Avant, les notes de Robert Parker tombaient, et nous n'avions pas grand-chose à rajouter… On se réapproprie un devoir et une capacité de prescription. Pour ça, il faut des équipes formées, c'est un gros travail, mais nous ne sommes pas seulement des « passe-plats ».
Avec la Vinicole on réinstalle les vins de Bordeaux sur les cartes de vins, on passe beaucoup de temps à faire déguster, à recevoir, à réapprendre Bordeaux aux sommeliers, ça fait partie intégrante de nos activités. Aujourd'hui on a 300 grands restaurants à Manhattan où l'on trouve des verticales complètes de Bordeaux (différents millésimes d'un même château). L'enjeu est de faire le même travail en France.
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