Régulièrement je viens passer un moment de détente sur mon forum préféré de buveurs d'étiquettes. Activant, comme d'habitude le lien "Voir les sujets actifs" dans le Menu principal du site, j'ai été frappé ce matin de constater que sur les 55 sujets proposés, un seul - Roc de Cambes en Côte de Bourg (d'ailleurs classé 55ème et dernier en terme d'actualité) figurait dans la liste proposée!
Ceux qui me connaissent savent mon intérêt pour les vins provenant des quatre coins de l'horizon viticole, en France mais également à l'étranger. De très nombreux coups de cœur et de magnifiques émotions ont jalonné mon parcours personnel. Mais au fond, mon amour premier est toujours resté sur Bordeaux, dont les vins ont forgé et paramétré mes sens gustatifs voici plus de 30 ans. J'adore cette merveilleuse région peuplée de "girondins" généreux et authentiques, si variée dans ses vins et dont de nombreuses appellations s'adossent à des terroirs tout à fait exceptionnels.
Certes, dans les années 1990 et 2000, Bordeaux a quelque peu "pété les plombs", domaines et vins devenant des produits de luxe et de spéculation. La région fut submergée par une procession sans fin de rachats à prix d'or par des groupes de prestige français et internationaux, dont le but secret ou carrément avoué sans aucune vergogne, était d'utiliser l'image luxueuse de domaines mondialement reconnus à des fins de positionnement marketing.
S'en suivit une inflation des prix galopante, une perte d'identité "bordelaise" et l'introduction de pratiques viti-vinicoles parfois discutables. Une véritable "course aux armements" fut lancée afin de rivaliser en puissance, en explosivité et en concentration dans la mouvance des vins de type "Nouveau monde" alors à la mode.
Depuis des siècles, les meilleurs crus de Bordeaux se caractérisaient par la production de vins raffinés, racés et fins, dont l'austérité naturelle requérait patience et longueur de temps avant de toucher au graal gustatif. En une décennie à peine, Bordeaux fut dévoyé par la demande croissante pour des vins immédiatement consommables, techniquement irréprochables et dont la buvabilité était assurée en tout temps grâce à une technicité qui permet de gommer les traditionnelles phases de fermeture.
De manière assez logique, de très nombreux amateurs éclairés ne se sont plus reconnus dans cette évolution et se sont progressivement détournés de ces "trophy wines", pour reprendre une expression anglaise qui, je trouve, colle bien à la réalité.
Petit à petit, certains excès se sont heureusement étouffés, de nombreux domaines revenant à des pratiques plus vertueuses - même si certaines semblent quelque peu opportunistes et dans l'air du temps d’une recherche de produits plus authentiques.
Ce qui me chagrine aujourd'hui, c'est qu'on a jeté bébé avec l'eau du bain! Car hors des domaines institutionnalisés et mondialement connus, Bordeaux fourmille également d'une nouvelle génération de véritables vignerons respectueux, passionnés par leur travail, ouverts d'esprit et entièrement dédiés à la recherche de production de vins tangibles et en lien avec leur terroir (au sens large). Ces vignerons méritent tout notre respect et notre admiration, car malgré un manque récurrent de moyens, ils essaient – parfois difficilement - de se faire une place avec des produits étonnants de justesse et ce à des prix souvent peu en rapport avec leur remarquable qualité.
Loin de moi l'idée d'ignorer les excellents producteurs issus des autres régions viticoles dont BDE fait une large place, mais il est maintenant temps de repartir à la découverte de ces "Nouveaux Bordeaux" qui réconcilieront les plus exigeants d'entre nous, j'en suis certain.