par ptitphilou » Sam 6 Mai 2023 19:49
Avant hier, je reçus un courriel m'informant qu'une place venait de se libérer à la dernière minute pour la dégustation organisée par Bruno Besson (les Caves d'Ermont), consacrée à la parcelle "Valnons" sise à Aÿ.
L'occasion est belle d'approfondir ma connaissance des vins de Fabrice Pouillon, en particulier de cette cuvée que je ne connaissais pas encore, auprès d'un des premiers cavistes qui a travaillé avec Fabrice Pouillon, qui connaît donc bien le domaine et son travail à la vigne comme au chai.
Nous sommes 10 et la soirée commence avec la cuvée Grande Vallée : il s'agit d'une base 2019-2018 avec réserve perpétuelle (dosage de 2 g/L).
Jolie robe jaune teintée de rose (pressurage lent, qui teinte légèrement le jus), bulles délicates, nez classique, légèrement briochée, bulles fines, longueur moyenne, un bon champagne pour commencer la soirée.
Nous attaquons la verticale à proprement parler (pas de prise de note, compte-rendu de mémoire) :
Du point de vue technique, tiré du site du domaine :
Aÿ classé en Grand Cru, Lieu-dit Les Valnons en coteau exposé à l’Ouest. Sol de limon argilo-calcaire historique des coteaux de Champagne, altitude 160 mètres.
100% chardonnay (rare Ă AĂż).
Dosage en Extra-Brut, certaines cuvées étant tirés sans ajout de sucre, d'autres avec 1,5g/L (2011, de mémoire) voire 2 g/L sauf erreur de ma part.
6 Ă 12 mois avant commercialisation.
Élevage en fûts de chêne de neuf à 10 vins - levures indigènes / bâtonnage.
Mise en bouteille pour la seconde fermentation (lattes) 12 à 18 mois (ex: 18 mois pour 2012) suivant la récolte. Tirage sous liège.
TEMPS SUR LATTES : 5 ans. Production comprise entre 1 500 et 3 000 bouteilles selon la récolte.
La dégustation se fait selon un ordre croissant des millésimes, bonne idée.
- Valnons 2009 : (dég.mi 2015) robe jaune brillante, nez évolué, tirant sur la noix et les épices. Certains évoquent le Jura. Bulles très fines, effervescence limitée. Jolie trame en bouche, une fine acidité, une certaine vinosité aussi. Mais pour ma part, le vin termine court et ne me marque pas plus que cela. Probablement à son aise à table. Il accompagna correctement quelques charcuteries et un assortiment apéritif.
- Valnons 2010 : (dég. mi-2016) robe plus marquée, paraissant plus évoluée, le nez est plus frais par contre. Jolie effervescence, trame acidulée mûre, je ressens une jolie trame minérale et un volume limité en bouche. C'est un Champagne fin, que je verrai bien placé à table avant le 2009, sur une jolie entrée de coquillages.
- Valnons 2011 : (dég. août 2017) Robe un peu moins marquée, nez discret, peu disert. Fines bulles, la bouche est plus maigre que les deux précédents. La finale est relancée sur une note acide citrique. Mais cela finit assez court. Millésime faible mais travail de qualité. Je le vois placé en tout début de repas, à l'apéritif sur des huîtres simplement citronnées voire avec une vinaigrette légère aux échalotes.
Il faut noter qu'à part de 2012, Fabrice Pouillon a commencé à généraliser sa méthode pour la prise de mousse, qui consiste - si j'ai bien compris - à mettre de côté environ 10% du jus issue de la vendange, en plaçant au froid durant le temps de la vinification et de l'élevage des 90%. Cette réserve de jus sucré, non vinifiée, est ensuite utilisée pour apporter les sucres nécessaires aux levures pour la seconde fermentation sous verre (et non plus par l'utilisation de MCR). Cette méthode avait d'abord été testée sur la cuvée "Chemin du Bois". Une analyse précise des diverses levures a également été entreprise pour sélectionner les souches les plus efficientes en terme de qualité.
- Valnons 2012 : (dég. mars 2019) je me permets de dire à l'assemblée que c'est un millésime que j'aime beaucoup pour la délicatesse des Champagnes (ceux que j'ai dégustés avaient tous en commun ce trait), ceux-ci étant parfumés, très séduisants et frais.
Ces Valnons 2012 ne dérogent pas à la gle, j'en suis heureux.
Robe jaune dorée, nez fruité, pêche, fruits jaunes, délicatement floral, sur la rose. Bulles fines, bouche possédant un beau volume, matière riche, là , je m'éclate enfin ! Jolie finale fruitée et florale, ce vin est d'une belle délicatesse et je l'ai goûté de nouveau à la fin de la dégustation, il était encore meilleur. Beau Champagne de gastronomie.
Il n'y a eu que peu de Valnons 2013, Bruno n'en avait pas reçu. Donc pas proposé à la dégustation.
- Valnons 2014 : (dég. mi-2020) robe jaune, reflets verts. On est en présence d'un Champagne classique, aux notes briochées, avec une effervescence plus importante que ses aînés. Joli matière, fine acidité, J'aime bien ce Champagne d'un certain confort.
- Valnons 2015 : (dég. mi-2021). Jolies bulles, effervescence délicate. Nez floral, légèrement brioché, fruité. Se rapproche du 2012, mais sans la séduction des parfums délicats, ce 2015 est encore très jeune, encore un peu brut de décoffrage, la matière n'est pas encore complètement en harmonie avec l'acidité. C'est prometteur et quelques années de cave lui feront le plus grand bien.
Au final, ces six Valnons ont montré des caractéristiques communes, de la finesse, une jolie trame acide en bouche, une relative réserve élégante. Il me semble que les trois dernières cuvées montrent une progression dans la maturité du vin et de son travail, en particulier les 2012 et 2015.
Je me suis amusé à classer les six millésimes dégustés selon les plaisirs éprouvés à l'instant T et selon ce que je crois percevoir de leurs qualités/défauts et potentiels de maturation en cave : par ordre de préférence croissante : 2011 < 2009 <2010 < 2014 < 2015 < 2012.
Certains auront très certainement d'autres préférences, mais l'unanimité s'est faite sur le 2012, il me semble.
Au final, c'est un joli (grand) cru, atypique blanc de blancs sur un village réputé pour ses grands pinots noirs, qui devrait accompagner à merveille divers mets raffinés.
Nous finissons la soirée par le Coteaux Champenois premier cru Carrière d'Athis 2019 : le vin a été carafé quatre heures avant, car il était complètement mutique, selon Bruno. Jolie robe grenat, concentrée, aux bords violine.
Le nez est un peu brouillon/"carbo", vin nature, typé fruits rouges mais pas spécialement pinot noir. Heureusement, la bouche montre un pinot noir délicat, délicieux sur de jolies notes de cerises et de fleurs. Pointe mentholée en finale, c'est un très joli travail et il possède une jolie persistance bouche. Bon, à presque que 60 € la bouteille, on commence à avoir de sérieux concurrents en Bourgogne (voire ailleurs); mais ce 2019 est très joliment fait et séduisant.
Nulle bonne compagnie ne saurait se quitter mais une habituée de ces séances de dégustation nous offre une dernière cuvée, nous la remercions chaleureusement.
Cuvée Soléra - extra-brut premier cru : (solera commencée en 1997 voire avant, ici je crois jusqu'à 2018, dég. récent il me semble) encore une effervescence délicate, une robe jaune dorée, à peine plus que les Valnons. Nez complexe, fruits jaunes, fruits secs, très légère oxydation très fine. Jolie matière et belle matière, qui se conclue par une finale délicate. J'apprécie et me souviens du joli travail de Francis Boulard et sa fille sur la cuvée Petraea (que Bruno proposait il y a de nombreuses années).
In fine, très jolie soirée, conviviale, faite de rencontres avec des amateurs que j'ai eu plaisir de côtoyer et que j'espère retrouver à l'avenir.
Et confirmation de la qualité des cuvées de Fabrice Pouillon, dont je ne connais encore qu'une partie.
Phil