.La PaulĂ©e de la CĂŽte Chalonnaise, c'est ce week-end...La PaulĂ©e de la CĂŽte Chalonnaise aura lieu du 13 au 15 octobre 2017 Ă Chalon-sur-SaĂŽne. Au programme : dĂ©gustations, repas, concerts, animations... et dĂ©couverte d'un vignoble trĂšs attachant qui a su faire sa "rĂ©volution" qualitative.La PaulĂ©e, c'est la fĂȘte qui marque traditionnellement dans chaque domaine la fin des vendanges. En CĂŽte Chalonnaise, les vignerons ont choisi il y a quelques annĂ©es d'en faire une fĂȘte collective : la PaulĂ©e de la CĂŽte Chalonnaise, organisĂ©e Ă Chalon-sur-SaĂŽne (71), Ă quelques kilomĂštres seulement des premiers rangs de vignes.
La CÎte Chalonnaise compte cinq appellations communales : Bouzeron, Givry, Mercurey, Montagny, Rully. Les quatre derniÚres se déclinent en villages et premiers crus, en chardonnay comme en pinot noir ; Bouzeron est un cas à part, puisque l'AOC ne compte pas de premier cru et elle est dédié au seul cépage blanc aligoté, le troisiÚme en Bourgogne par les surfaces en production. Notons également l'existence d'une appellation régionale : Bourgogne CÎte Chalonnaise.
Mais la CÎte Chalonnaise, c'est aussi et surtout une région qui a accompli une véritable révolution qualitative dans les 20 derniÚres années et dont les meilleurs premiers crus n'ont plus grand chose à envier à leurs homologues de CÎte-d'Or, le tout à des prix encore trÚs abordables ; comptez en moyenne 15 à 25 euros la bouteille en premier cru.
Dans le numéro 134 de Bourgogne Aujourd'hui, la rubrique "Rencontre" avait été consacrée à Gilles Platret, maire de Chalon-sur-SaÎne et historien du vin. Il est longuement revenu sur l'histoire de la CÎte Chalonnaise et sur les liens entre la ville et le vignoble.
Le maire qui s'intéresse au vin
Gilles Platret est le nouveau maire de Chalon-sur-SaÎne (71) depuis 2014. Enfant de la CÎte Chalonnaise, il est aussi historien, écrivain, du vin notamment, et trÚs impliqué dans l'économie viti-vinicole. Une denrée rare parmi les élus bourguignons.
Chalon-sur-SaĂŽne, un peu comme Dijon, Auxerre, sont des villes proches du vignoble mais qui n'ont pas vraiment une image liĂ©e au vin. Comment l'expliquez-vous ?Chalon n'a jamais complĂštement perdu le fil avec le vin, mais ne l'a jamais vraiment revendiquĂ© non plus. La CĂŽte Chalonnaise est pourtant nĂ©e Ă Chalon-sur-SaĂŽne. Avant mĂȘme la conquĂȘte romaine, existe en effet une ville oĂč l'on importe du vin qui vient d'Italie, remonte le RhĂŽne, la SaĂŽne avant d'ĂȘtre dĂ©chargĂ© au port de Chalon pour ĂȘtre acheminĂ© Ă Bibracte (capitale des Eduens prĂšs d'Autun) et dans le reste de la Gaule. Avant de produire du vin ici, on en consomme donc et Chalon est un noeud de communication et de commerce. Les Gaulois, qui Ă©taient trĂšs amateurs de vin, en sont venus Ă planter des vignes. La trace archĂ©ologique la plus ancienne Ă ce jour d'un vignoble bourguignon est Ă Chalon-sur-SaĂŽne. Il s'agit d'amphores vinaires fabriquĂ©es vers 50 aprĂšs J.-C. et retrouvĂ©es sur la colline de Saint-Jean-des-Vignes ; de telles amphores sont la preuve qu'existait un vignoble Ă proximitĂ©.
Chalon va rester une plaque tournante du commerce du vin pendant tout le Moyen-Ăge. C'Ă©tait une ville de foires. ParallĂšlement aux propriĂ©tĂ©s religieuses, ceux que l'on appelait « les bourgeois de Chalon » vont acheter des vignes. Le lien entre la ville et le vin n'est devenu plus diffus qu'au XIX < E > e < E > siĂšcle quand Chalon va se consacrer pleinement Ă l'industrie.
Et l'image de la CÎte Chalonnaise va en pùtir ?Le lien, solide pendant dix-huit siÚcles, entre Chalon et le vignoble de la CÎte Chalonnaise va en pùtir. La premiÚre source de richesse du Chalonnais, c'était le vin et le bois, et une page se tourne avec l'industrialisation. à noter également qu'à partir de cette époque, la propriété viticole quitte peu à peu Chalon et l'on retrouve davantage de propriétaires « autochtones », qui vivent dans les villages, sur les domaines. Pour toutes ces raisons, le lien se distend entre Chalon et le vignoble, qui va d'ailleurs s'adapter à cette nouvelle donne en se dédiant trÚs largement, jusque dans les années 1950-1960, à la production de vins « courants » pour les bassins industriels proches (Chalon et le bassin minier du Creusot/Montceau-les-Mines).
Tout le monde s'est mis à produire des vins « de masse » ? Non, des vignobles ont continué de se détacher du lot et il y a toujours eu coexistence d'une viticulture « courante » et d'une viticulture de grande qualité.
Quand le lien va-t-il se renouer entre la ville et les vignerons ?La crĂ©ation de la Maison des Vins de la CĂŽte Chalonnaise* en 1982 est une Ă©tape importante. Le maire de Chalon de l'Ă©poque et les vignerons ont alors pris conscience de la coupure et compris que la ville pouvait ĂȘtre une magnifique vitrine pour la promotion des vins.
L'image aujourd'hui encore industrielle de Chalon-sur-SaÎne explique-t-elle pourquoi la CÎte Chalonnaise n'a pas la réputation de la CÎte de Beaune et de la CÎte de Nuits ?
La vérité est que la commercialisation du vin de Bourgogne a toujours été trÚs liée au pouvoir politique provincial qui était basé à Dijon. On pense aux Ducs de Bourgogne qui faisaient des cadeaux en vins aux grands d'Europe, aux papes. Ce sont des cadeaux de « vin de Beaune » notamment, alors que l'on sait trÚs bien que du « vin de Beaune » pouvait trÚs bien venir de la CÎte Chalonnaise ; les AOC n'existaient pas à l'époque... Les bonnes cuvées de Givry ou de Mercurey n'étaient pas toujours référencées sous leur nom.
Vous avez Ă©crit il y a quelques annĂ©es l'ouvrage : « Neuf siĂšcles au coeur de la Bourgogne, le Cellier aux Moines et son Clos ». Le clos est-il emblĂ©matique de la CĂŽte Chalonnaise ?Le clos est particuliĂšrement intĂ©ressant car c'est l'un des rares domaines de Bourgogne pour lesquels on a une continuitĂ© d'archives depuis sa crĂ©ation vers 1135, par les moines de l'Abbaye de la FertĂ©, jusqu'Ă nos jours. AprĂšs la RĂ©volution française, le clos va rester entre les mains de la mĂȘme famille jusqu'en 2004. Trois propriĂ©taires seulement se sont succĂ©dĂ© depuis prĂšs de neuf siĂšcles, avec une vĂ©ritable traçabilitĂ© archivistique. C'est extraordinaire et le titre du livre Ă©tait une volontĂ© de rappeler qu'il existe en CĂŽte Chalonnaise des domaines qui peuvent avoir la mĂȘme antĂ©rioritĂ© qu'en CĂŽte-d'Or. C'est important de le dire comme il est important de rappeler que l'Abbaye de CĂźteaux est nĂ©e dans le diocĂšse de Chalon, comme sa premiĂšre fille, l'Abbaye de la FertĂ©, prĂšs de Givry. CĂźteaux va donner naissance au Clos-de-Vougeot et la FertĂ© au Clos du Cellier aux Moines selon le mĂȘme schĂ©ma, avec des hauts et des bas... mais sans la moindre rupture de production jusqu'Ă aujourd'hui.
Les moines cisterciens, et notamment ceux de l'Abbaye de la Ferté, ont donc fortement contribué à l'essor du vignoble de la CÎte Chalonnaise.
La propriété ecclésiastique n'était pas la seule mais elle a en effet beaucoup compté. Le génie des moines a sans doute été de repérer les meilleurs terroirs, mais surtout, en ce qui concerne le Clos du Cellier aux Moines, de regrouper les parcelles pour constituer un clos par le biais de donations, d'échanges avec les voisins, voire d'achats.
Et les Ducs de Bourgogne, dont le pouvoir se trouvait donc à Dijon, se sont-ils occupés de la CÎte Chalonnaise ?Bien sûr et leur grand point d'appui depuis 1380-1390, était le Chùteau de Germolles et son cellier, aujourd'hui encore en excellent état. C'était un chùteau de plaisance avec un clos attenant. On trouve dans les archives des indications trÚs précises sur les travaux de la vigne, les vendanges, les sélections de pinots noirs expérimentées à Germolles pour remplacer le gamay trop productif, ce « déloyal gamay » qui dégradait la qualité des vins de Bourgogne dont les ducs faisaient la promotion et utilisaient comme instrument de leur puissance. Les Ducs de Bourgogne et les moines ont donc été des acteurs forts de l'histoire viticole de la CÎte Chalonnaise, aux cÎtés de nombreux propriétaires laïcs. Au Clos Salomon par exemple, autre clos réputé de Givry, on ne trouve trace que de propriétaires laïcs depuis au moins le XIIIÚme siÚcle. Les « grands » ne sont donc pas les seuls à posséder des vignes à l'époque.
Pour en revenir à une période plus récente, de quand datez-vous la révolution qualitative de la CÎte Chalonnaise ?Entre la fin des années 1970 et le début des années 1990, quand les jeunes vignerons qui ont aujourd'hui une cinquantaine d'années ont commencé à aller se former au lycée viticole de Beaune. Ils ont révélé le potentiel insoupçonné de leurs terroirs, fait décoller la notoriété de la cÎte et ce n'est pas un hasard si la Maison des Vins de la CÎte Chalonnaise a été créée en 1982.
Histoire ancienne, terroirs de qualitĂ©, vignerons formĂ©s et compĂ©tents... Il ne manque donc plus qu'un peu de temps pour que la CĂŽte Chalonnaise ait une notoriĂ©tĂ© supĂ©rieure ?Quand on voit le niveau d'exigence des vignerons, la montĂ©e en puissance de la qualitĂ©, je suis trĂšs optimiste pour l'avenir. Il faut rester vigilant, modeste face aux caprices de la nature, mais je pense que nous n'en sommes qu'au dĂ©but de l'aventure et que le meilleur est Ă venir. Plus rien ne manque, (il insiste), plus rien ne manque, si ce n'est peut-ĂȘtre un peu de promotion !
On compare beaucoup depuis le dĂ©but de cette interview la CĂŽte Chalonnaise et la CĂŽte-d'Or. Quel doit ĂȘtre le positionnement de la CĂŽte Chalonnaise pour qu'elle se distingue vĂ©ritablement ?Il y a ici un l'attachement fort Ă l'accueil et Ă la convivialitĂ©. Dans la premiĂšre histoire de Chalon-sur-SaĂŽne Ă©crite dans les annĂ©es 1560, l'historien dit dĂ©jĂ que « les Chalonnais ont la rĂ©putation d'ĂȘtre accueillants ». C'est une terre de passage oĂč l'on a gardĂ© aujourd'hui encore cette tradition d'accueil. Cela fait partie de l'identitĂ© locale.
Propos recueillis par Christophe Tupinier
Photographies : Thierry GaudillĂšre
*La Maison des Vins de la CĂŽte Chalonnaise regroupe un caveau oĂč les vins sont sĂ©lectionnĂ©s lors d'une dĂ©gustation Ă l'aveugle, et un restaurant. CĂŽtĂ© vins, c'est une belle vitrine de la diversitĂ© de la CĂŽte Chalonnaise.
info@maisonvinsbourgogne.com -TĂ©l. 03 85 41 64 00.
La CĂŽte Chalonnaise en quelques chiffres
DĂ©partement : SaĂŽne et Loire (71).
Bouzeron (100 % vins blancs, cépage aligoté, pas de premier cru) : 60 hectares (ha).
Givry
Premiers crus : 100 ha, dont 13 en blanc.
Villages : 155 ha, dont 43 en blanc.
Mercurey : 550 ha de pinot noir, 100 de chardonnay.
Premiers crus : 142 ha.
Villages : 508 ha.
Montagny : 100% vins blancs.
300 ha, dont 200 en premiers crus.
Rully
Premiers crus : 90 ha, dont 25 en rouge.
Villages : 250 ha, dont 95 en rouge.
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