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La résurrection des vins de Carthage

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Ven 6 Mars 2009 07:00

Les viticulteurs carthaginois, près de Tunis, relancent des vins de qualité. Vingt-six siècles plus tôt, ils dominaient le monde. En 1950, l'Afrique du Nord produisait encore deux tiers de la consommation mondiale.

« Delenda Carthago est » (il faut détruire Carthage). C'est par ces mots que Caton l'Ancien ­commençait et terminait tous ses ­discours devant le sénat romain, quel qu'en soit le sujet. Mais pourquoi, diantre, détruire ­Carthage ? Devenue une grande puissance économique, en particulier par son commerce du vin, Carthage continuait de rivaliser avec Rome. Après la victoire des Romains lors des troisièmes guerres puniques, Caton a fini par avoir raison : Carthage fut entièrement rasée en - 146 et sa splendide bibliothèque, détruite. Un seul ouvrage fut sauvé sur ordre des Romains : le traité d'agriculture en vingt-huit volumes de l'agronome Magon.

Ce remarquable ouvrage est aujourd'hui disparu, ses premières traductions aussi, mais on en connaît de larges extraits par les auteurs romains et grecs qui s'en sont fortement inspirés. Il y a vingt-cinq siècles, à une époque où le vin était encore inconnu en Gaule, Magon a décrit avec une grande précision la viticulture, le vin et même l'art et la manière d'élaborer des vins liquoreux. Ces techniques ont été héritées des Phéniciens, qui avaient d'ailleurs aussi mis au point le premier alphabet occidental, les Carthaginois les ont perfectionnées et ils sont passés maîtres dans l'art de faire du vin en grande quantité, déjà. Leurs vins s'exportaient fort bien, comme en témoignent les nombreuses amphores carthaginoises retrouvées un peu partout.

Avec l'arrivée des Français à la fin du XIXe siècle, le pays retrouve sa vocation initiale, celle de fournisseur de vins en grande quantité. Après leur départ, le pays s'émancipe et le vin tombe dans une crise profonde, dont il a fini par se remettre.

Le vignoble actuel s'étend sur 15 000 ha de coteaux très tempérés où le thermomètre dépasse rarement 20 °C avec des précipitations faibles (200 à 500 mm par an), d'où une indispensable irrigation. La vaste palette des cépages phéniciens a disparu au profit des cépages français actuels, comme le cabernet sauvignon, le carignan, le mourvèdre et la syrah en rouge et, comme souvent, le chardonnay et le muscat en blanc.

Importants investissements

Le principal acteur du vignoble tunisien est l'Union centrale des coopératives vinicoles (UCCV), plus connue sous leur marque commerciale, Les Vignerons de Carthage, qui, avec 10 000 ha et 20 millions de bouteilles, gèrent les deux tiers du vignoble tunisien. Son directeur, Belgacem D'Khili, est docteur en viticulture et ingénieur-œnologue diplômé de Montpellier : « Nous sommes à un moment clé de notre histoire, car il faut à la fois s'adapter aux marchés internationaux et préserver notre typicité méditerranéenne. »

La grande cavalerie des vins en énorme quantité étant passée de mode, l'adaptation aux nouveaux marchés internationaux impose d'importants investissements, tant dans les cépages à la mode qu'en œnologie et, plus généralement, dans les chaînes de production. « Tout a changé, le monde du vin est devenu très dur et nous avons été obligés d'énormément investir », précise, bon pied, bon œil, Tahrar Mokrani, 92 ans, ancien ministre. Le juge de paix à ce niveau est la présentation des vins dans les grands concours internationaux, ce qui est un excellent moyen de s'étalonner.

Huit sociétés mixtes se partagent aujourd'hui le vignoble tunisien, dont deux italiennes, deux allemandes et une autrichienne. La France n'est plus le premier investisseur du pays, elle est devancée par la Grande-Bretagne, mais le groupe Castel n'a pas hésité à acheter 250 ha de vignes près de Tunis. Les vins tunisiens ont-ils un avenir en France ? « Il faut qu'ils sortent de leur image de vins à merguez, mais il est évident qu'ils trouveront leur place au côté des vins chiliens et australiens. »

Réussiront-ils leur fabuleux pari ? En fréquentant les res­taurants à la mode à Tunis, le vin est partout présent sur les tables, et pas uniquement chez les touristes. Il se dégage une véritable fierté pour les produits de leur terroir, ce qui fait des Tunisiens les premiers ambassadeurs de leurs vins et, plus généralement, de leur culture, ce qui ne se retrouve dans aucun autre pays du Maghreb. Pour soutenir ce meilleur rempart contre l'intégrisme, il faut ­adapter la formule de Caton, « Bibenda est Carthago » ou, en bon français, « Buvez les vins de ­Carthage ».

Bernard Burtschy http://www.lefigaro.fr
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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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Re: La résurrection des vins de Carthage (tunisie)

Messagepar vinosophe » Jeu 19 Jan 2012 00:40

Je me permets de "remonter" cet article intéressant...pour l' intégrer dans le forum concernant les "vins d' AFRIQUE" !!!

Bravo à nos administrateurs pour ce travail de "répartition" des vins d'ailleurs (enfin) terminé ! :appl:
CHRISTOPHE
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