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Vins des Canaries : un futur prometteur

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Mer 13 Mai 2009 15:17

Ce mois-ci, Javier Gila, sommelier de Lavinia propose ce qu’il appelle lui-même « œnophotographie » ( pardon pour le barbarisme), une vision personnelle des différents vins canariens, fruit de l’analyse subjective d’un professeur d’œnologie et de l’expérience chanceuse du connaisseur des îles. Avec une touche de polémique.

On ne parlera ici ni de l’action bénéfiques des alizées, ni de la géographie insulaire, ni d’une description historique des vins, ni de Shakespeare, ni du «Canary sack», pas non plus des éruptions volcaniques, ni de la disparition du port de Garachico, ni bien entendu des caractéristiques des dénominations d’origine et des données statistiques…
Je parlerai plutôt de mes nombreux voyages á l’archipel, lors desquels j’ai eu la chance de goûter assez de vins pour me faire une idée de la trajectoire qu’ont suivi les élaborations œnologiques canariennes ces dix dernières années.
Je suis un ferme et passionné défenseur de la philosophie de la dénomination d’origine et de l’oenodiversité ou biodiversité œnologique. Je crois que les Canaries pourraient être la réserve, non seulement spirituelle mais aussi réelle, de l’œnologie espagnole si ses bodegueros ne commettent pas l’impardonnable erreur de « se caberniser » ou de « se chardonnayser », termes très laids, tant parce qu’ils n’existent pas (le premier avec un v pourrait se traduire par revenir aux cavernes), et parce qu’ils prétendent signifier « oenomondialisation ».
Je crois que de par ses caractéristiques de variété, de localisation (insularité, configuration du terrain, éloignement des marchés, etc…) et par le maintien de certaines traditions – qui affectent non seulement le modus operandi bodeguero mais aussi les multiples facteurs singuliers comme son commerce régional -, les vins canariens subissent des inconvénients dont ceux de la péninsule ne souffrent pas. Les quelques 10 000 Ha de vignobles sont répartis entre les différentes îles et différentes dénominations, actuellement huit à l’échelle nationale et onze à l’échelle régionale.
Cependant, les vins des Canaries jouissent aussi d’indéniables avantages qui devraient évidemment se renforcer pour concurrencer de la façon la plus favorable et même plus avantageuse avec des vins d’autres latitudes tant nationales qu’étrangères.

Le rebond qualitatif
Il y a presque 15 ans, alors que je commençais à faire mes premiers pas dans l’Union Espagnole de Dégustateurs de Vins, je reconnaissais toujours les vins rouges canariens… pour leur mauvaise qualité ! Si à ces moments-là, on m’avait dit que cinq ans plus tard j’allais goûter des vins splendides dans la région viticole d’Alhóndiga, je n’y aurais pas cru. Les Canaries sont, sans aucun doute, l’une des communautés autonomes qui ont le plus prospéré cette dernière décennie même s’il leur reste, logiquement, encore du chemin à parcourir.
La qualité s’est beaucoup améliorée dans le paragraphe œnologique, contrairement à la viticulture qui n’a pas suivi le même rythme que le travail de bodega.
Résultat : à l’heure actuelle, les vins canariens (certains) concurrencent sans complexe ceux des autres zones péninsulaires.
Cependant des inconvénients persistent à son développement. Sa localisation géographique donne parfois une chaleur excessive, réduit le cycle de maturation et porte préjudice à l’équilibre par déficit d’acidité et offrent des profils aromatiques moins élégants dans les baies. Le terrain souffre parfois de pentes très prononcées et parcellisation excessive. La structure viticole est souvent déficiente. Il existe trop de variétés de raisin et on ne connaît pas encore le potentiel œnologique de nombreuses d’entre elles, mais ceci étant dit, l’existence de ce large éventail de variétés, est peut-être le meilleur potentiel des vins des Canaries puisqu’il représente une grande opportunité pour l’innovation continue.
Les pratiques culturelles de vignoble continuent à être liées à l’agriculture de subsistance et elles sont peu adaptées à la réalité du marché, comme le montrent les cultures associées (avec les pommes de terre, figues ou cochenilles !).
En général, les bodegas sont rarement dotées de technologie même si on a déjà dit qu’il existe des exceptions prestigieuses (de plus en plus) dans toutes les appellations.

Les avantages des vins blancs
Quels sont donc les principaux avantages de ce large éventail de varietés de raisins autochtones? Si la qualité continue de croître, il ne tardera pas y avoir des acheteurs internationaux.
La zone qui pour le moment possède l’avantage est la Dénomination d’Origine de Tenerife d’Ycoden Daute Isora qui est élaborée avec des varietés de raisins blancs autochtones comme la marmajuelo, la gual, la verdello etc. Le vin Viñátigo est une référence. Ce sont pour le momento des vins avec une courte durée de vie mais le futur devrait être splendide si l’on tient compte de l’âge des cépages.
A Abona et dans la Vallée de Güimar, il existe déjà des blancs de qualité avec des variétés nobles.
Sur l’île de La Palma , la variété Malvasía est plutôt utilisée pour des vins doux mais pourrait donner de bons blancs secs. La Bujariego a aussi une forte personnalité et peut donner de bons vins.
Au nord de Garafía, le raisin albillo a un grand futur devant lui car il donne des vins avec arômes, acidité et fraîcheur très supérieurs en qualité à des vins de la Péninsule.
Une mention spéciale doit être faite à l’énorme effort des bodegas du Nord de La Palma pour leurs vins.
Enfin, il ne fait pas oublier Lanzarote et particulièrement les vins à base de malvasía, qui quand ils ne sont pas mélangés avec la listán, sont de grande qualité, très personnels et intéressants.
Los vins Frontos (Abona) et Contiempo (Valle de Güimar), marquent le chemin à suivre de la pluri-variété.

Avantages des vins rouges
La listán noire offre des vins oges jeunes intéressants. La Negramoll aussi.
En ce qui concerne les vins rouges de garde, les Canaries ont beaucoup à offrir sur le marché national. Les nouveaux vins monovariétal de “Vijariego negro”, “tintilla” et “baboso negro” ont supposé une révolution dans le concept de vins rouges aux Canaries. Non seulement pour leur qualité actuelle mais aussi pour le futur qui les attend.
Je pense que dans trois à cinq ans apparaîtront des vins rouges canariens de grande catégorie qui n’auront rien à envier aux bons vins de la Péninsule.
Selon moi, les Canaries doivent offrir des vins aromatiques, puissants et moêlleux en bouche avec une bonne maturité sans que n’augmente démesurément le degré d’alcool.
C’est-à-dire conjuguer la personnalité du raisin, du terroir et l’élegance du vin, ce dernier aspect étant ce qui manque encore aux vins des Canaries.

Avantages des vins doux
Le potentiel esté très grand. Avec la malvasía de la Palma, il est possible de fabriquer des vins naturellement doux, autant à la Palma qu’à Tenerife. A la Palma, ceux à base de Verdello, devraient avoir un avenir prometteur. Et Lanzarote possède sans doute le meilleur potentiel pour obtenir des vins doux naturels de moscatel.
D’autres varietés peuvent donner de bons vins doux, comme les vins rouges de Tenerife de Monje et Bodegas Insulares (Humboldt) ou celle de El Grifo.
Le futur des vins de Canaries est selon moi resplendissant. Il faudra encore régler le problème d’une commercialisation déficiente et pratiquement tout le vin se vend dans la région. Pourtant, c’est un marché attractif, qui bénéficie de plus de 10 millions de visiteurs par an.
Autre défaut : les vins canariens ont un prix relativement élevé, bien qu’il existe heureusement des vins intéressants à prix raisonnable.
Quant à l’image de marque, elle mérite d’être rehaussée.

J.G.
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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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