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[Jean-Pierre NIEUDAN]

La Champagne met les petites coupes dans les grandes pour séduire la Suisse et orchestre toute une série d'opération

Les Suisses sont les septièmes buveurs de champagne au monde après le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l'Allemagne, la Belgique, l'Italie et le Japon. Les helvètes privilégient le brut (85% du marché) et sont friands de cuvées de prestige. Les deux tiers de la consommation de champagne seraient l'apanage des Suisses romands, les Alémaniques et les Tessinois ayant tendance à préférer les mousseux italiens ou espagnols (source http://www.vins-vins.com). Pas étonnant donc que l'interprofession des vins de champagne mette le paquet pour nous éblouir.

A la table des Maîtres
La Maison G.H. Mumm a approché sept grands chefs suisses afin qu'ils concoctent un menu de Maîtres pour accompagner leur Cuvée de Prestige R. Lalou 1998. Un vin d'exception intense et complexe qui supporte aisément d'accompagner tout le repas.

Carlo Crisci, le génial cuisinier du Cerf à Cossonay (2 étoiles Michelin, 18 au GM) est de la partie et servira durant tout le mois de janvier ce menu spécial R. Lalou. Carlo a le chic d'égayer la grande cuisine classique d'une touche de biomoléculaire. Sans pénaliser le produit, en gardant intact l'émotion originelle, tout en apportant une touche joyeuse et personnelle.

Le chef a l'oeil malicieux. Ce défi l'amuse. «Ce champagne est assez sophistiqué. On y trouve des notes d'agrumes, mais aussi de nougat, de miel d'acacia, de fruits exotiques ou encore de fruits secs, de pralin... Je me suis dit qu'avec une telle cuvée, tout était permis.»

Et Carlo ose tout. Des frioles de grenouilles à la flouve, cette herbe folle au parfum de coumarine; de surprenantes Saint-Jacques en carbonara, à la truffe blanche et potimaron; un croustillant de rouget en duo de berce et d'amandes, et, plus insolite, un millefeuille de veau et lard d'Arnad aux anchois... La palette de desserts n'est pas en reste. On retrouve l'amour du cuisinier pour les herbes sauvages, les épices et les plats de caractère...

Dominique Gauthier, du Chat Botté à Genève (18 au GM) est le second romand à participer à l'événement «Menus de Maîtres». Il présente son menu jusqu'à fin mars. Les autres cuisiniers sont André Jaeger à Schaffhouse (19 au GM), Robert Speth à Gstaad (18 au GM), Frank Oerthle à Lugano (16 au GM), Marcus Lindner à Zurich (18 au GM), Roland Schmid à Bad Ragaz (17 au GM).

«Cette limonade aux effets mentaux délicieux»
Début décembre, Amélie Nothomb joue les ambassadrices dans les salons de l'Ecole hôtelière de Genève. Un choix qui ne doit rien au hasard: l'écrivaine admet sans complexe être complètement addict aux divines bulles et avoir découvert «cette limonade aux effets mentaux délicieux» à l'âge de 3 ans, lorsqu'elle traînait dans les cocktails organisés par son ambassadeur de père. «Une exquise habitude que je n'ai pratiquement jamais perdue... et que tout un chacun devrait pouvoir partager. Dans un univers idéal, tout le monde devrait avoir le droit de boire du très très très bon champagne.»

Son avant-dernier roman, «Le fait du prince», accorde au champagne un rôle à la hauteur de sa réputation. On retrouve deux ou trois fois par page le mot champagne ou le nom d'une cuvée célèbre. L'héroïne, Sigrid, est une «extrémiste du champagne», elle possède une piscine aux champagnes très sophistiquée «emplie d'une eau encombrée de glaçons, d'où dépassaient des goulots de bouteilles de champagne à n'en plus finir...» Pour elle: «L'ivresse du champagne est un trésor car elle procure une grande lucidité qui nous apprend que nos soucis sont relatifs.»

Entre deux amuse-bouches de cuisine moléculaire - qu'elle découvrait et qui l'a bluffée - l'auteure a partagé avec une dizaine d'élus une dégustation d'exception. Larmandier-Bernier, Brut Premier Cru - Louis Roederer, Brut Premier - Perrier Jouët, Belle Epoque 1999 - Dom Pérignon, Vintage 2000 - Jacquart, Tradition Demi-Sec.

Enjouée, charmante, très professionnelle, l'émissaire des vins de Champagne prend son rôle au sérieux. Elle déguste avec attention et en redemande... «Il y a un instant, entre la quinzième et la seizième gorgée de champagne où tout homme est un aristocrate», murmure Sigrid-Amélie.

Je me surprends à compter: douze, treize, quatorze, quinze, quinze, quinze...

France Massy
http://www.lenouvelliste.ch/fr/news/cul ... _14-178571