En un peu plus de 30 ans, vigneron et négociant, il est devenu le leader mondial de la biodynamie et du bio pour le vignoble français.
Près de 1 000 hectares, répartis sur 16 domaines et les plus beaux terroirs du Languedoc, cultivés en totalité en biodynamie, des partenariats avec des dizaines de viticulteurs bio ou en conversion dans le cadre de son activité de négoce, Gérard Bertrand revendique depuis bientôt trente-cinq ans les « valeurs de la performance et de l'excellence ». Une ligne de conduite qu'il doit à sa carrière de rugbyman, au RC Narbonne Méditerranée d'abord, puis au Stade français en tant que capitaine. Plus de dix ans de sport de haut niveau, commencés en parallèle de l'apprentissage des métiers du vin aux côtés de son père Georges, décédé accidentellement en 1987. Une disparition qui le pousse à reprendre les rênes des activités familiales.
À tout juste 22 ans, il se retrouve à la tête du château Villemajou, situé dans le vignoble des Corbières, sur le terroir du cru boutenac, ainsi que de la société de courtage. La suite est faite de rencontres. L'œnologue Marc Dubernet, pionnier, avec son père, dans le métier d'œnologue conseil et dont le laboratoire, aujourd'hui dirigé par son fils Matthieu, est l'un des plus pointus dans le domaine de la viticulture bio. Mais aussi Jean-Claude Berrouet (le vinificateur de Pétrus durant trente ans), Aubert de Villaine (La Romanée-Conti) ou Nicolas Joly, le chantre de la biodynamie, propriétaire de la Coulée de Serrant, cru monopole situé dans le vignoble de la Loire, à proximité d'Angers.
Pour Gérard Bertrand, c'est alors une révélation : « J'ai commencé à Cigalus, un de nos domaines, c'est là que je vis. La biodynamie, ça a d'abord été une prise de conscience, la volonté de vivre avec ma femme et mes enfants dans un environnement sain. Petit à petit, c'est devenu un vrai projet et on a converti l'intégralité de nos vignobles. Pendant les vendanges, on fait 20 km par jour dans les vignes, c'est plutôt sportif. On apporte des réponses individualisées pour chaque parcelle que l'on arpente à trois, on a une méthode bien précise de ramassage des baies. C'est passionnant. La biodynamie n'est pas réservée aux petits vignerons, chez nous ce sont 110 personnes qui s'occupent du vignoble. On laisse de l'autonomie aux équipes, une dédiée à chaque terroir. » D'abord soupçonné par les bios « historiques » de vouloir surfer sur la vague verte pour des raisons mercantiles, il est aujourd'hui un vrai leader, et peu importe les grincheux qui jalousent sa réussite.
Un tour complet du vignoble occitan
Ses 16 châteaux et domaines s'étendent du nord-ouest de Montpellier, dans les terrasses-du-larzac, au vignoble de Limoux, dans le département de l'Aude, mais aussi du littoral, en climat méditerranéen, à la zone la plus occidentale des appellations du Languedoc, le petit cru malepère, sous influences océaniques. « Dans la région, on peut parler de climats, comme l'on parle des climats en Bourgogne, c'est une chance, comme la diversité de notre encépagement. C'est très important pour l'avenir de nos vignobles. En 40 ans, le monde entier a pris entre 2 et 3 °C. Dans les années 80, on ne parlait pas de maturité phénolique*. Depuis, c'est une préoccupation : vendanger des raisins mûrs qui donnent des vins équilibrés est devenu un vrai sujet. Par exemple, le grenache et le carignan se sont adaptés au changement de température ; pour la syrah, il faut être plus prudent. L'équilibre terroirs-cépages est très important, et puis avec la biodynamie, le végétal est en meilleure santé, on rend la vigne plus résistante et adaptable, plus autonome aussi. »
Étape suivante : les vins sans sulfites. Un sujet auquel Gérard Bertrand s'est intéressé dès 2009 et qui a donné naissance aux gammes Naturae et Prima Nature. « J'ai d'abord goûté des vins nature, assez souvent déviants, puis les vins de Marcel Lapierre, en Beaujolais, ou de Henry Marionnet, en Touraine, bons mais à boire rapidement. Je pensais que l'on pouvait aller plus loin. On a 1 000 hectares en biodynamie, on utilise des doses très faibles de soufre. De ce fait, on a déjà la maîtrise du geste technique, alors passer aux vins sans soufre était juste l'étape suivante. »
*Concernant la maturité des raisins, on distingue la maturité technique (sucres et acidité) et la maturité phénolique (peau et pépins qui donnent, entre autres, les anthocyanes responsables de la couleur et les tanins qui se caractérisent par l'astringence et apportent aux vins texture et consistance).
Source : Olivier Bompas
Pour les commentaires de dégustation : https://www.lepoint.fr/vin/gerard-bertr ... D-20210210