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Tribune - L'agroécologie sauvera les vins de Bordeaux

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Dim 4 Août 2019 15:01

« Le Point » publie une tribune libre de Xavier Planty, personnage important du vignoble bordelais et pionnier des pratiques écologiques et bio.
Par Xavier Planty

Nous publions ci-dessous une contribution très argumentée qui fait suite à notre article « Comment Bordeaux a perdu la guerre du goût ». Xavier Planty est un personnage important à Bordeaux , vinificateur puis copropriétaire du premier grand cru classé de sauternes Château Guiraud, il a très vite installé dans ce domaine des pratiques écologiques et une agriculture bio. Cette tribune, c'est le point de vue de Xavier Planty et non du Point, même si nous partageons la plupart des idées avancées ici. C'est l'occasion de rappeler que le site Le Point vin est ouvert à ceux qui souhaitent participer aux débats et échanges sur le vin dans le respect des opinions de chacun. Il convient d'ajouter que l'analyse de Xavier Planty concerne le vignoble dans lequel il est impliqué, Bordeaux qui est loin d'être le seul concerné par ces questions et qu'à ce titre il ne doit pas faire figure de victime expiatoire ni d'arbre qui cache la forêt. Jacques Dupont

Seule une agroécologie puissante et soutenue sauvera Bordeaux

Sur les marchés mondiaux, Bordeaux a perdu cette année 1,5 million d'hectolitres de ventes. C'est le plus mauvais résultat de toutes les régions productrices. Les vins de Bordeaux sont englués dans une communication défensive qui ne rend pas nos vins excitants. Stigmatisation sur les pesticides, affaires de fraudes répétées dans des officines qui pensent être négociants, dépassements de volumes en cave sans traçabilité, usage de molécules sans intérêt, pratiques de vinifications industrielles, trop d'éléments qui cachent nos fondamentaux et rendent Bordeaux illisible.

Que faire ?

1) D'abord reprendre la réflexion et le bon sens paysan au niveau de la vigne.


Il faut aider les viticulteurs à se désintoxiquer des pesticides. Il n'y a pas de fatalité à rester captif des multinationales qui empoisonnent notre vigne, nos sols et nous-mêmes. L'exemple du glyphosate est caricatural. Cette molécule a été absente de nos vignes pendant des millénaires et depuis trente ans, elle serait incontournable ! Il parait que c'est un progrès… et pourtant quels dégâts et quel coût ! Persuadés des bienfaits de son utilisation, les viticulteurs subissent une quadruple peine :

o Ils achètent le conseil auprès des techniciens de leur coopérative.

o Ils achètent le produit, la taxe qui va avec et payent pour le recyclage du bidon.

o Ils tuent l'herbe, perdant par la même 20 à 30 % de l'énergie solaire qu'elle seule est capable de stocker durant la morte-saison.

o Et pour compenser l'absence de matière organique qui en résulte, ils achètent des engrais.

Ainsi, ils tuent leurs sols et l'expression de leurs vins.

Comment dire à ces viticulteurs dépendants qu'il n'existe pas de mauvaise herbe ? Chaque herbe qui pousse exprime une situation du sol, explore un volume de sol par ses racines, le fissure, le fractionne et organise autour de ses racines une biodiversité intense. Seule l'herbe est capable de fixer l'énergie solaire, une énergie gratuite (première économie). D'octobre à avril, la vigne n'a plus de feuilles capables de fixer l'énergie solaire. Six mois d'énergie gratuite que le viticulteur qui désherbe ou laboure trop refuse de récupérer. Bizarre comme efficacité ! Un sol enherbé, c'est six tonnes de matière organique brute par an et par hectare (deuxième économie).

Par son action sur le sol et le sous-sol, l'herbe permet de stocker l'eau hivernale, 60 % de plus qu'un sol nu (troisième économie). À l'heure où l'on entend parler d'irrigation en zone d'AOC, il faut se poser la question de l'alimentation en eau de la vigne et de nos pratiques. Autour de l'herbe se crée une biodiversité constituée de levures, de bactéries, de protozoaires, de champignons, etc., biodiversité visible par chacun d'entre nous par la présence du ver de terre, par la richesse botanique et par la structure du sol.

"Avec un sol vivant, la vigne se nourrit facilement et dépense moins d'énergie"

Ce complexe est excessivement riche, efficient, producteur énorme de matière organique, produisant des colloïdes (glomaline) qui structurent les sols et permettent la création d'une interface vigne/sol, que sont les mycorhizes. Cette interface permet de fournir des éléments profonds grâce au réseau des champignons. Ce réseau microscopique récupère des sucres élaborés par la vigne et lui échange des sels minéraux, des oligoéléments, des antibiotiques (champignons), des molécules semi-élaborées (protides). Par les azotobacters et les légumineuses, il récupère de l'azote assimilable immédiatement. L'azote de l'air est gratuit (quatrième économie).

Avec un sol vivant tel que décrit, la vigne se nourrit facilement et dépense moins d'énergie à cette fin. L'énergie solaire captée et ainsi économisée lui permet de se défendre contre les agresseurs par la synthèse de tanins, d'alcaloïdes et de substances aromatiques.

Une vigne dans un tel milieu est plus facile à protéger contre le mildiou et autre (oïdium). Il en résulte un changement de profil des vins, plus complexes aromatiquement, plus fins en bouche, frais de sensation (ce qui ne veut pas dire acide), plus riches et capables de vieillir. La vigne est à l'aise dans son terroir et s'exprime pleinement. Quand ces conditions sont réunies, la vigne retrouve son équilibre pédoclimatique sur un sol vivant, nos cépages s'expriment et les vins retrouvent le style Bordeaux.

Le bilan est terrible pour le vigneron. Il paye quatre fois pour tuer son sol et il refuse les apports gratuits d'énergie solaire, de matière organique et de réserve en eau.

2) Réflexion sur une approche globale du vignoble. Penser le paysage.

Un paysage de vigne est toujours fascinant, mais les plus beaux sont ceux qui semblent fractionnés, contenus par des murets, des pierres, des haies, des bosquets, des parcs, des châteaux et des maisons. Il existe un rapport très fort entre un paysage bien pensé et la vigne. Un paysage aménagé est riche en biodiversité par ses phénomènes de lisières. Un inventaire des arthropodes (insectes, araignées, crustacés) d'un tel vignoble est bien plus riche en insectes qu'un vignoble conventionnel (3 fois plus selon certaines études). L'équilibre des populations d'insectes permet de supprimer tous les insecticides : un traitement vaut environ 100 euros par hectare. À ce prix, on a vite fait de replanter des haies, de végétaliser les bâtiments (le lierre doit être préservé !). Il en résulte des paysages de grande beauté et d'efficacité écologique. Comme l'a dit Alain Finkielkraut, « il n'y a pas d'écologie véritable sans beauté ». Un acte ou un aménagement écologique qui n'est pas beau, naturellement élégant, n'est pas le bienvenu.

Une vigne enherbée, c'est en fait de l'agroforesterie, mais au lieu de récolter les céréales (herbes), on récolte le fruit de l'arbre (raisin). Les échanges entre les deux sont variés et intenses. Un sol qui revit voit sa diversité botanique qui explose (multipliée par trois en quatre ou cinq ans) sans ne rien semer ni introduire et ce ne sont pas des « mauvaises herbes ou des adventices », ce sont des espèces toutes bénéfiques à la vigne et gratuites ! Un vignoble fleurit au printemps de toutes ces variétés, c'est forcément beau !

3) En finir avec l'escroquerie des produits phytopharmaceutiques.

Quand on analyse le tableau de toutes les molécules contre le mildiou proposées (publiées par les interprofessions), la seule molécule qui ne provoque pas l'apparition de souches résistantes est le cuivre. Aujourd'hui, son utilisation est remise en question. Y a-t-il pression des industriels de la chimie ? À l'heure où ils nous annoncent des « biocontrôles » miracles… à suivre…

Mais l'apparition de souches résistantes de mildiou, due à l'utilisation de produits actuellement sur le marché, est inquiétante. Il n'existe pas d'autre étude pour comprendre l'impact de ces produits sur le métabolisme de la vigne et du mildiou.

L'observation montre qu'il existe une corrélation entre l'apparition des phénomènes d'effondrement du vignoble (maladies du bois, vieillissement prématuré, etc.) et l'utilisation de produits systémiques. Il faut lancer un observatoire indépendant pour vérifier s'il n'y a pas sur le marché aujourd'hui des produits délétères. En attendant, le cuivre à petites doses devient incontournable et il faut apprendre aux viticulteurs à s'en servir à bon escient et intelligemment. Il reste pour le moment inéluctable pour une vraie agriculture agroécologique.

4) Arrêter les fausses bonnes idées comme les variétés pseudo résistantes, l'exploitation des sarments à d'autres fins que de nourrir la vigne, le compost à outrance, la confusion sexuelle, la musique dans la vigne…

Il faut remettre de l'humain formé, observateur dans des conditions de travail optimales et cela dans un paysage et dans un cadre de travail sain et beau.

Il n'y a pas d'échappatoire à cette logique, pas d'alternative possible. Tous les moyens de Bordeaux doivent être engagés dans ce sens au plus vite. Il faut aider les viticulteurs à se désintoxiquer, eux et leurs vignes. Seul le retour à cette viticulture agroécologique nous permettra de récupérer nos consommateurs perdus et de résister au changement climatique à venir (chaud ou froid nul ne le sait). Les modèles aujourd'hui donnent 50 % de probabilité pour un petit âge glaciaire sur la façade atlantique et 50 % pour un climat méditerranéen (toute pensée unique dans un sens ou dans l'autre est anachronique). Notre ADN est fort, constitué de nos cépages sur leur terroir, du vigneron, de son château (grand ou petit) et de sa marque.

Source :https://www.lepoint.fr/vin/tribune-l-agroecologie-sauvera-les-vins-de-bordeaux-04-08-2019-2328266_581.php
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Re: Tribune - L'agroécologie sauvera les vins de Bordeaux

Messagepar Thierry Debaisieux » Dim 4 Août 2019 15:36

Merci pour ce lien, Jean-Pierre.
Effectivement, Bordeaux fournit une production "industrielle" ;)

Amitiés,
Bien cordialement,
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Re: Tribune - L'agroécologie sauvera les vins de Bordeaux

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Jeu 8 Août 2019 10:58

Oui Thierry mais il y en encore de bien belles choses à Bordeaux :drunk:
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Re: Tribune - L'agroécologie sauvera les vins de Bordeaux

Messagepar Thierry Debaisieux » Jeu 8 Août 2019 14:46

Certainement.
Mais sans la chaleur du contact humain d'autres régions ;)

Amitiés,
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Re: Tribune - L'agroécologie sauvera les vins de Bordeaux

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Mar 13 Août 2019 21:45

Comme partout , ça dépend du vigneron :)
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Re: Tribune - L'agroécologie sauvera les vins de Bordeaux

Messagepar Thierry Debaisieux » Mer 14 Août 2019 19:46

Du vigneron ou du groupe financier propriétaire du Château ;)

Amitiés,
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Re: Tribune - L'agroécologie sauvera les vins de Bordeaux

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Jeu 15 Août 2019 11:32

Sur à peu près 10000 domaines dans le bordelais la très très grosse majorité appartient à des exploitants privés :)
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Re: Tribune - L'agroécologie sauvera les vins de Bordeaux

Messagepar Thierry Debaisieux » Jeu 15 Août 2019 12:12

Oui, Jean-Pierre,
mais ceux que j'aime boire n'appartiennent pas à des vignerons indépendants ;)

Bonne journée,
Bien cordialement,
Thierry Debaisieux
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Re: Tribune - L'agroécologie sauvera les vins de Bordeaux

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Jeu 15 Août 2019 12:19

Pontet-Canet ça le fait ? :D
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