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Spiritueux vient du Latin "spiritus" signifiant "Esprit de vin".

L'Ă©lixir de la patience et de la perfection

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Ven 18 DĂ©c 2009 15:26

De céréales (whiskys), de fruits (calvados), de baies sauvages (blanches d'Alsace), de canne à sucre (rhums), ce ne sont pas les belles eaux-de-vie qui manquent. Mais, né du vin, le cognac est une quintessence.


Edimbourg et le scotch auraient bien voulu, Londres et le gin ont essayé, Cuba et le rhum n'y sont point parvenus : Cognac est la seule ville de la planète qui ait donné son nom à une eau-de-vie mondialement reconnue, et partout consacrée comme une référence d'excellence. Parce qu'il y a derrière tout cela des racines plantées profondément dans la terre des Charentes.

On attribue souvent au mariage d'Aliénor d'Aquitaine avec le comte d'Anjou (1152), futur roi d'Angleterre sous le nom d'Henri II Plantagenêt, le début de la prospérité charentaise. Force est cependant de constater que le vin de la région, certes léger et pétillant mais fort peu propice à la garde, n'était pas de taille à lutter contre ses voisins du Médoc. Et l'attrait qu'il suscita un temps de l'autre côté du Channel disparut rapidement, au même rythme que s'en estompait la mode.

Son essor véritable se situe un peu plus de deux siècles plus tard, lorsque s'achèvent les guerres de Religion (Edit de Nantes, 1598). Pendant une quarantaine d'années, les huguenots ont été pourchassés dans tout le pays... sauf dans les Charentes, où on savait bien que les malheureux ne rêvaient que de gagner la place-forte protestante de La Rochelle afin de s'embarquer pour l'Europe du Nord. Les exilés n'oublieront pas. Et lorsque, la paix revenue, les Hollandais se mirent en quête d'un vin léger et peu acide pour confectionner du brandywijn (littéralementvin brûlé, ou vin distillé), indispensable pour éviter que ne croupisse l'eau potable pendant les longues traversées, c'est vers Cognac qu'ils se tournèrent immédiatement, forts de leurs relations passées.

Victime de son excellence

La qualité des eaux-de-vie produites sur les terroirs de Grande et de Petite Champagne (ainsi nommés parce que leur géologie est en tous points comparable à celle de la région de la Marne) fit très vite sensation. Au point de leur gagner rapidement la faveur des Londoniens, faveur qu'ils garderont d'ailleurs jusqu'à ce que le phylloxéra dévaste le vignoble français (1873). On boit alors des eaux-de-vie jeunes, souvent allongées d'un peu d'eau (l'ancêtre de la fine à l'eau) : l'art de l'élevage et de l'assemblage ne se développera que plus tard, d'abord empiriquement, puis scientifiquement. Et peu à peu, des cognacs de plus en plus raffinés et de plus en plus complexes seront servis au moment du digestif pour être dégustés très lentement, à toutes petites lampées délicates. Ce n'était pas leur vocation première et, même si l'expérience mérite largement d'être tentée (voire régulièrement renouvelée, mais toujours avec modération), on ne saurait les y cantonner.

A y bien regarder, le cognac est victime de son excellence. Avec son petit frère l'armagnac (au vignoble dix fois plus réduit), c'est toujours la seule eau-de-vie de vin longuement élevée dans le bois proposée sur le marché. Ce qui implique que le cépage, le terroir, le climat, le mode de distillation, la durée et les conditions de l'élevage, éventuellement l'assemblage et bien entendu le millésime apportent chacun leur touche dans l'édifice final. On peut parfaitement fabriquer de la vodka avec de la pomme de terre, mais il ne viendra à l'idée de personne de s'enquérir de la variété du tubercule ou de son année de récolte, encore moins de le marquer sur l'étiquette. Voilà pourquoi on ne fera jamais du cognac qu'autour de Cognac.

A y regarder de plus près encore, on s'aperçoit que Cognaçais et Champenois ont adopté une méthode identique : on millésime les meilleures années, et le reste du temps on assemble des fûts (en Charente) ou des vins de réserve (à Reims) afin d'élaborer des cuvées exprimant fidèlement l'identité de la maison. Et chez les uns comme chez les autres, la patience est un élément déterminant de la réussite finale : il n'est pas rare de voir un grand champagne attendre dix ans en cave, c'est à peu près le temps qu'il faut à un cognac pour aborder la plénitude. Les similitudes ne s'arrêtent d'ailleurs pas là : au nord comme au sud, il y a d'un côté les grandes maisons de négoce (qui achètent pour les uns du raisin, pour les autres des eaux-de-vie déjà distillées), et de l'autre des « propriétaires-récoltants » qui possèdent le vignoble, et parfois produisent en partie sous leur nom. Cette proximité ne peut être due au seul hasard : la même exigence de perfection y est certainement pour quelque chose.

Demeure évidemment le problème du prix. Une bouteille d'un bon cognac est trois fois plus onéreuse qu'une autre de vodka hasardeuse, deux fois plus que celle d'un whisky banal vieux de 3 ans à peine (c'est le minimum légal). L'explication est simple : le kilo de grain est infiniment moins coûteux que celui de raisin. Mais tout change dès qu'on prend en compte le vieillissement : à âge égal, le cognac finit même par l'emporter assez nettement. La seule vraie question finalement, c'est de déterminer d'abord ce que l'on cherche : utilitaire ou berline cossue ?

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Re: L'Ă©lixir de la patience et de la perfection

Messagepar Christian Rausis » Ven 18 DĂ©c 2009 19:58

à âge égal, le cognac finit même par l'emporter assez nettement. La seule vraie question finalement, c'est de déterminer d'abord ce que l'on cherche : utilitaire ou berline cossue ?


Tout est relatif. En tant qu'amateur de pur malt, je trouve qu'un vieux single malt peut être grandiose et en plus j'ai de la peine à digérer le cognac !
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Re: L'Ă©lixir de la patience et de la perfection

Messagepar colbert » Dim 20 DĂ©c 2009 20:52

Parti pris ou hymne au Cognac... :roll:

"Une bouteille d'un bon cognac est trois fois plus onéreuse qu'une autre de vodka hasardeuse, deux fois plus que celle d'un whisky banal vieux de 3 ans à peine (c'est le minimum légal). " !!!
Comparons ce qui est comparable : une mauvaise bouteille de cognac avec un mauvais blend industriel... Ou alors un superbe single malt vintage avec une belle bouteille de cognac grande champagne (???) etc...
Toutefois le cognac reste toujours plus cher... Je ne suis pas super fan de cognac, je préfère une belle bouteille de whisky....
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