Alex,
je pense qu'en effet vos propos sont nourris de beaucoup de préjugés. Que les vins bios soient meilleurs que les vins conventionnels, il est surement peu de gens parmi les amateurs qui pensent de cette manière radicale. Ce que l'on peut dire c'est que :
1/ dans la majorité des cas, les domaines qui ont repris le travail des sols ont vu leur vins gagner en qualité, en pureté d'expression. Il est dur de travailler les sols en conventionnel car en fait on les tue, et comme vous êtes dans le bordelais c'est assez facile à voir dès que vous allez dans le vignoble, on passe par endroit de la lune à la terre. On remarque d'ailleurs que certains domaines qui n'avaient pas d'attirance pour le bio sont passés à cette approche culturale parce que dans la pratique quand ils ont voulu travailler les sols, pour redonner de la vie, ils se sont aperçus qu'il y avait une petite contradiction avec le désherbage chimique systématique. (évidement entre le conventionnel lourd et la biodynamie il y a beaucoup d'étapes possibles, et je ne vois pas en noir et blanc, j'aime aussi la nuance)
2/ "babacool laxiste" là je crois que c'est vraiment un gros préjugé qui sent bon les oppositions un peu simplistes, si je peux me permettre. Dans le monde du vin, et c'est ce qui fait sa richesse, il y a des gens qui se côtoient au quotidien et qui sont d'horizon très diversifiés. Oui il y a dans le vin bio des gens issus de la gauche soixantehuitarde, mais il y a aussi des gens qui sont issus de grandes familles bourgeoises et qui n'en sortent pas. Aubert de Villaine, ou Laloue Bize Leroy sont tout sauf de babacool laxistes, mais pour moi ils ne sont pas mieux ou moins bien.
Je pense que cette association du babacool laxiste et de l'agriculture biologique vient d'une forte idée préconçue bien appuyée par les anti-bios, qui viendrait du fait que faire du bio, c'est en fait ne rien faire. Et là ça redemande un peu d'attention quand à la pratique et à l'histoire. et par exemple en partant du conventionnel et non du bio:
Pourquoi dans les années cinquantes les désherbants on-'ils connus un tel engouement? Et bien parce qu'ils permettaient d'arrêter les labours, ce qui représentait une somme de travail considérable, d'autant plus que c'était en général fait à la charrue. Les traitements chimiques étaient une révolution qui permettaient de se libérer d'un travail harassant. On pourrait donc dire que c'est justement une "certaine flemme" (il y a ici une pointe d'humour
) qui a encouragé l'essor de la phyto. Travailler en bio, contrairement à ce que l'on entend souvent, n'est pas ne rien faire, bien au contraire. Le travail respectueux de la plante et de la vie des sols demande énormément de travail et de main d'oeuvre. Il suffit de visiter une exploitation conventionnelle et une exploitation naturelle pour s'en rendre compte. Vous avez autour de vous les moyens pratiques de voir de vos propres yeux ce qui se passe, je vous encourage à le faire. Allez à Saint-Emilion visiter quelques domaines sur la Côte Pavie que l'on connait bien ici et voir sur le terrain ce qu'il en ait, passer d'une vigne à l'autre pour voir quelques fois l'ampleur du désastre ou la richesse e la biodiversité. Vous pouvez aussi aller rencontrer monsieur Cousinat au marché biologique des quais, une personne de grande éducation, qui a une connaissance inépuisable de l'agriculture et qui pourra surement vous faire voir les choses avec plus de justesse, où du moins sous un autre angle et en gardant de la complexité.
3/ "lutte raisonnée" est un concept qui a été crée par l'industrie agroalimentaire et entre autre la FNSEA pour revaloriser son blason quand le bio a commencé a être considéré et la dérive du conventionnel montrée du doigt. Un très bon article du canard enchainé dans un numéro Hors-Série consacré à la grande distribution explique bien comment des groupes comme Auchan, Carrefour et les syndicats agricoles, à tendance plutôt intensive, ont montés ce concept markéting foure tout pour ne pas avoir l'air d'empoisonner les gens, mais la "lutte raisonnée " reste un concept du conventionel et non du bio. Justement les acteurs de l'agriculture biologique s'emploient quotidiennement à montrer que la cahier des charges de la "lutte raisonnée" est une vaste escroquerie. Il est donc curieux que cet article rattache ces coups de pubs comme vous dites à des domaines bios, ils ont l'air de ne pas trop maitriser leur sujet pour préter au bio ce qui est le fait du conventionel. Et le concept de "développement durable" est utilisé par les deux parties, alors pourquoi en faire le reproche aux bios et pas aux conventionnels? voilà qui manque profondément d'impartialité. Je crois que le fait du markéting, et le monde dans lequel on vit nous le montre au quotidien, n'est pas le fait d'un groupe en particulier mais de tous les endroits où il y a des enjeux financiers, cela n'a rien à voir avec le bio en particulier. le conventionnel a utilisé des arguments bidons pour vendre pendant 30 ans des produits qui sont aujourd'hui interdits, où en passe de l'être. S'il on veut dresser un palmares de l'intox, je ne sais pas qui gagnerait...
4/ Vous parlez de certains domaines en vue qui sont en biodynamie, et vous dites que quand vous mettez le nez dedans vous y voyer une secte, mais avez vous vraiment mis votre nez dedans, êtes vous allez rencontrer ces domaines avec un esprit libre et impartial ? Taxer de secte n'est pas une assertion légère, je crois qu'il est important de mesurer nos propos. Qu'il y ait des gens plus illuminés que d'autres , c'est possible, mais les mots doivent garder leur poids, et leur sens. Une secte est quelque chose de sérieux, Nicolas Joly ou Anne-Claude Leflaive, s'ils sont parfois agaçants pour certains ne sont pas pour autant les gourous du temple solaire, et les vignerons qui pratiquent la biodynamie en ont pour certains plus qu'assez d'être toujours pris pour ce qu'ils ne sont pas. Et un certain penchant des médias qui aiment à forcer le trait a tendance à en remettre une couche (La RVF qui fait du sous-journalisme, avec des sujets bidons et peu fouillés ne s'en prive pas). Allez rencontrer Jean-Michel et Corinne Comme à Pontet-Canet, vous verrez bien, en plus Corinne était ingénieur agronome, elle a travaillé pour des laboratoires phytosanitaires, elle en connait un rayon. Peut-être vous diront-ils des choses que vous aurez du mal à entendre. Mais si vous avez du mal à les entendre, est-ce parce qu'elles seront fausses où parce qu'elles mettront en danger les certitudes sur lesquelles votre pensée quotidienne s'est construite? On est tous fait pareil, nous devons rester vigilants par rapport à nos peurs, l'inquiétante étrangeté disait Freud. Maintenant que des scientifiques du CNRS ont prouvé que la lune avait une incidence sur la montée de sève, qu'ils ont prouvé pourquoi couper du bois en lune noire pour l'ébenisterie est mieux que de le couper à la pleine lune où l'on obtient plutôt du bois de chauffe, certains vont enfin admettre l'influence de la lune. Mais pendant 50 ans on aura taxé d'obscurantistes ceux qui s'évertuaient à dire que la lune avait une influence, que les usages paysans des siècles précédents n'étaient pas que de la crétinerie rurale, leur constat empirique n'avait pas de crédit scientifique, et les explications données, aventureuses pour certaines, faisaient rire les tenants de la raison (A ce propos il faut lire la Pensée Sauvage de Levi-Strauss, c'est très très intéressant, entre autre sur des tribus du Bénin je crois qui recensaient 1500 espèces végétales, avec un système de reconnaissance et de classification qui n'a rien à voir avec les usages scientifiques occidentaux. Bien sur la communauté botanique n'en a décompté que 1000 à 1100 pendant longtemps, et là où l'autochtone signifiait une distinction, le scientifique ne voyait rien avec ses yeux ni son microscope, et riait bien rites animistes qui entouraient cette distinction, et les années ont passées, et voilà que les 1500 espèces sont maintenant reconnues chez nous, mais avec un autre système que celui des autochtones, et là Levi-Strauss interroge sur la question de la Vérité, la Pensée sauvage ou la Pensée rationaliste dans l'appréhension du réel, et il ne donne pas de réponse, le traitre !)
Bref je crois qu'il faut éviter de faire des schémas caricaturaux, allons sur le terrain, voyons ce qui se passe, gardons l'esprit ouvert, d'un coté comme de l'autre, c'est le seul moyen d'avancer le plus justement possible.
5/ enfin, le bio , pour certains est vu uniquement du point de vue de la santé, la santé pour soi. Très bien, là dessus les études sont en effet très partagées, vous avez raison de le souligner, je vous rappelle toutefois que sur le vin, on a trouvé sur des crus classés du médoc des résidus de pesticides 600 fois supérieurs aux normes autorisées pour l'eau potable ! Mais on peut aussi penser le bio comme une pratique écologique, permettant de préserver une Terre qui ne nous appartient pas, que nos enfants devrons habiter, et que ce sera à eux de porter les conséquences de nos actes. Là pour le coup, les dégâts causés par l'agriculture intensive et l'industrie agroalimentaire, et l'industrie en général sont clairement connus et ne font pas de doute. Pour ma part je suis évidemment plus sensible à une agriculture qui n'épuise pas le sol, les ressources, et qui permet pour le coup un développement durable, ce concept markéting mais dont les mots ont un véritable sens !
Pour conclure, si vous aimez Rayas 98, vous aurez au moins aimé un vin "nature", et si Emmanuel Reynaud n'est pas babacool, c'est le moins qu'on puisse dire, son chai est plus qu'incroyablement...laxiste!
Bon je me suis beaucoup étendu, mais je veux bien ouvrir quelques flacons bio si vous passez par la Haute Loire, histoire de voir si Marcoux, Clos des Papes, Ostertag, Comte Armand, La Romanée Conti et tous ces grands noms de la viticulture française font des vins naturels mais ... mauvais.
Avec toute ma considération , plus naturelle que conventionnelle
Amicalement
Julien