Jean-Michel COMME a reçu l’équipe de BDE pour une visite très intéressante de plus de 4h durant laquelle, il a tenté de nous apporter plus de précisions sur sa vision de la viticulture et des objectifs de Pontet-Canet.
Les mots « complexe » et « subtil » reviendront souvent durant cette discussion, donnant le ton à la démarche global qui anime l’ensemble des artisans de cette « révolution » médocaine.
Dès notre arrivée nous avons la chance de voir les chevaux au travail, auprès desquels nous passerons un long moment. Jean-Michel nous explique alors l’importance des travaux de recherche qu’il mène depuis un certain temps sur le compactage des sols. Là où un tracteur de 6 tonnes (minimum pour les nouvelles générations) passe dans les vignes, le poids maximal d’un cheval équipé (y compris pour les pulvérisations) n’excédera pas 800Kg (sans le cheval). Tout est mis en œuvre de manière intelligente pour garder un certain confort au conducteur de chariot et aussi la possibilité de traverser des routes (clignotant, gyrophare). Bien sur, il faudrait envisager de grossir l’équipe à 15 meneurs et 20 chevaux pour espérer limiter un maximum le passage des tracteurs, qui comme le rappel Jean-Michel, très lucide, est inévitable en cas de « crise ». Tout au long de cette discussion, il rappellera avec ferveur l’importance de ne pas consommer 15-20 l de gasoil à l’heure, pour utiliser des machines qui compactent le sol !
Nous parlons ensuite de l’encépagement des 81ha (62% Cabernet Sauvignon, 32% Merlot, 4% Cabernet Franc et 2% petit verdot) et du fait que normalement à Pontet-Canet on ne rogne pas la vigne. Oui, mais voilà , parfois la pression des maladies, telle que cette année, l’a obligé à commencer à rogner les merlots. Pour ce qui est des Cabernets Sauvignon nous avons pu voir les équipes à la réalisation des ponts. Ces derniers font partis d’un processus global permettant « d’éduquer » la vigne (comme un enfant), avec parfois des moments de liberté et parfois aussi des décisions à prendre pour la "diriger". Ainsi, il sera possible de conserver le bourgeon terminal, afin de ne pas avoir d’entre-coeurs, d’avoir une aération naturelle des grappes et de laisser la vigne se concentrer sur la maturité des fruits. Les vignes régulent toutes seules leurs rendements, il est n’est donc pas nécessaire de pratiquer l’effeuillage et les vendanges en vert. Pour ce qui est de la taille, il n’y a pas de généralité et chaque pied est taillé en fonction de sa vigueur. Il s’agit là d’une vision à long terme (15ans), que JM souhaite et espère amener jusqu’au bout. En cela, il est pleinement suivi par M. Tesseron (propriétaire), même dans les années difficiles comme l’année dernière, où la décision de traiter en non-bio fût réellement un crève cœur. Même les salariés demandaient à revenir au plus tôt vers la culture dont il avait maintenant l’habitude. Conscient de l’enjeu tant pour l’environnement que pour eux-mêmes.
Nous entrons ensuite dans le cuvier (en deux parties) du 19ème siècle, rénové à raison de deux cuves bois par an, pendant 8 ans. A partir de 2005 les cuves inox ont été remplacées par des cuves bétons (pour l’inertie thermique liée au matériau). JM nous rappelle alors, qu’il s’occupe des vinifications depuis 1999 et combien, il est difficile d’évoluer rapidement, avec des moyens mesurés. La cuverie actuelle ne permettrait plus de vinifier la récolte si les quotas de l’appellation étaient poussés au maximum.
Côté vinification, 1000m² sont disponibles à l’étage, afin de pouvoir faire descendre la vendange par simple gravité dans les cuves, dans le respect du raisin. Ce dernier est ramassé en cagette de 7Kg, puis trié, égrappé, trié à nouveau, puis légèrement foulé avant de « tomber » dans la cuve. Il n’y a aucun ajout de produit extérieur (mise à part le léger sulfitage), les fermentations sont plus longues (3 semaines en utilisant les levures naturelles), favorisant une extraction douce, mais aussi une prise de risque plus importante. Bien que chaque cuve est thermo-régulée, la surveillance des températures de chaque cuve s’effectue manuellement, afin d’être toujours à un niveau de vigilance maximum et de déceler le moindre problème (notamment à l’odorat).
Le futur de Pontet-Canet se veut orienter vers le terroir, avec la volonté de le voir s’exprimer de plus en plus dans les vins.
Nous avons eu la chance de pouvoir réaliser une dégustation didactique, puisque nous avons dégusté quatre millésimes, avec des différences marquées au niveau qualitatif, confirmant la nette progression de tout le travail de cette propriété. Les commentaires suivront bientôt.
Je tiens à remercier chaleureusement Jean-Michel pour le temps qu’il nous a consacré et cette visite très détaillée.
Stéphane.