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Repas chez Tourcel Ă  Moirax

Messagepar laurentg » Sam 27 Oct 2007 17:02

Repas à l’auberge du Prieuré
Auberge du prieuré, Moirax (aux portes d’Agen), Benjamin Tourcel
Rencontre oecuménique entre toulousains et Bordelais


Le menu :
Je ne donnerai ici que quelques considérations sur les plats et les accords, sans viser l’exhaustivité, en me remémorant ce qui prime, à savoir la qualité du moment partagé entre bordelais et toulousains (Agen est à équidistance des 2 capitales régionales), sur la terrasse ombragée d’un restaurant fort recommandable perdu dans un joli village du Sud-Ouest. Il faut dire que je n’ai pas souhaité passer mon repas à prendre des notes (ce qui est utile mais un brin ennuyeux et exigeant) pas plus que je ne souhaite inutilement réinventer ce beau et joyeux déjeuner en fonction des traces à la fois fiables et imparfaites de ma mémoire. Ce souvenir agréable, en contexte, restera donc partiellement (et partialement) décrit, pour mémoire collective, avec tout le respect du au beau travail du chef et de son équipe, qui nous a reçus avec talent et un sincère enthousiasme.


Crème de langoustines et piquillos
Bel ensemble crémeux et goûteux, servi tiède dans une éprouvette, en amuse-bouche salivant

Chaud/froid de langoustines en capuccino de fenouil
Ecorce d’orange, anis
Superbe cuisson des crustacés pour un plat anisé sensuel et savoureux

Rouleau de thon croustillant, condiment framboises poivrons, tapioca Ă  la coriandre, wasabi
Tableau japonisant, le trio de couleurs (vert, blanc, rouge) rappelant pour autant le drapeau italien
Thon un poil trop cuit (surtout si on se réfère à la version sashimi de ce poisson)
Trop d’ingrédients peut-être dans cette dînette cosmopolite, pour un patchwork ludique et visuellement réussi, très « fusion », mais trop en juxtaposition et sans réelles assonances gustatives (framboise trop accentuée, par exemple)

Tartare de canard, glacé de crabe, pâte d’avocat au lait de coco
Citron vert et coriandre dans la pâte d’avocat (guacamole)
gingembre, tabasco vert relevant bien le tartare
Une belle préparation, « world food », un peu tex-mex, amusante, rafraîchissante

Aubergine au thé fumé
Coriandre, poivron
Goût du thé fumé (lapsang souchong ou tari souchong ?) malheureusement absent
Aubergine sans réel intérêt gustatif
Belle évocation du miso : expression subtile grillé/fumé, qui me rappelle les fins bouillons servis au petit-déjeuner (avec du maquereau fumé) dans les modestes ryokans de Kyoto
Coriandre trop répétitive (c’est le troisième plat qui en contient), semblant qui plus est masquer le goût pour le coup trop neutre du thé fumé

Tarte fine aux cèpes, lard gras italien, crème de persil simple
Crème de cantal parfaitement dosée, qui apporte une touche originale parfaitement calibrée
Un plat de terroir très savoureux, de saison, classiquement cohérent
Bel accord sylvestre avec le registre tertiaire du LĂ©oville-Barton 1990

Pigeonneau cuit à basse température, polenta de riz gluant à la Thaï au lait de coco, moût de raisin au cacao
Poivron rouge grillé
Cuisson du pigeon irréprochable
Beau plat qui condamne à se lécher les doigts

Figue rĂ´tie dans son jus, faisselle comme du tofu, craquant aux Ă©pices
Tuile anisée de belle finesse
Faisselle Ă  la citronnelle et au citron vert
Un dessert léger, agréable

Un bel ensemble, malgré des préparations parfois un peu brouillonnes (thon), manquant d’épure (aubergine mutique), mélangeant trop d’ingrédients. Il manque peut-être une ligne réellement directrice.


Les vins :
1. Taittinger Comtes de Champagne 1995 : 17,5/20 – 9/9/07
Nez incontestablement racé : grillé, citron, amande, pointe de mousseron. Bouche dotée d’une bonne acidité ainsi que d’une minéralité de caractère. Finale en revanche grevée par un déficit en nervosité (dosage peut-être un peu trop prononcé) ; en sorte qu’il manque un pallier dans la finale de cette cuvée.
Rappel - Champagne - Taittinger - Comtes de champagne 95 : 31/12/2003
LG16,5/17 - PP16
- Olfaction complexe, florale, légèrement minérale, alliant des fragrances de poire, de miel, de vanille.
- En bouche, le vin est mûr, exotique, charmeur, concentré, possédant beaucoup de classe et d’harmonie, même s’il ne dévoile encore pas toute sa race. A noter que Pascal et Philippe trouvent la finale dénaturée par un côté un peu doucereux (problème de dosage ?).

2. Champagne Diebolt-Valois BdB Cramant 1985 : 16,5/20 – 9/9/07
Le nez délivre des senteurs intéressantes de pêche, d’épices, de noix, de viandox, de viande fumée. Bouche robuste, parfumée, avec un peu d’amertume.

3. Domaine Leflaive Puligny-Montrachet Clavoillon 2001 : (14,5/20) – 9/9/07
Parure un peu étrange, mêlant des tonalités de jaune et de vert prononcées.
1er nez attirant : grillé, genêt, allègrement fruité (fruit jaunes, agrumes, pomelo). Les premières gorgées consacrent une sève pure et douce, fine, charnelle, confortable, de puissance moyenne, ponctuée par de beaux amers.
2ème nez moins rutilant, pour un boisé qui fait un retour en force. L’affabilité tend à disparaître dans un profil plus lourd (un dégustateur imagine un chardonnay australien, avec des odeurs de bois brûlé et d’ananas confit), trop joufflu, cossard.
Une bouteille polémique, pour un domaine pourtant fiable.

4. Boxler Riesling Sommerberg L31 1994 : 17,5/18 – 9/9/07
Eckberg (L31E) et Dudenberg (L31D) n’étaient je pense pas différenciés à l’époque de production de ce vin.
Le nez est un déploiement de senteurs puissantes et typées : pétrole, agrumes, herbes aromatiques (thym), gentiane, menthe, fruits confits. Bouche altière, solide, digeste (qui sait ce qu’elle veut). Un vin d’une grande franchise, dans un style disons « traditionnel », qui peut rappeler par sa droiture (et son évitement de toute trace de sucre résiduel) un clos Ste-Hune.

5. Châteauneuf-du-Pape Les Cailloux 1998 : 17/20 – 9/9/07
Caractère reconnaissable de cette appellation bénie des Dieux (capable de produire nombre de vins fins, généreux mais pas lourds), floral (un peu à la Rayas), corsé, sanguin avec un iota de volatile. Il allie des notes multiples : fraises confiturées, laurier, poivre, havane et ces impériales senteurs de figue. Un excellent vin typé, très mûr mais frais, encore compact, qui commence à dévoiler tout son potentiel.
Rappel :
Club toulousain In Vino Veritas - Châteauneuf du Pape millésime 1998 - 5/10/2001 et 19/10/2001
Synthèse des commentaires de dégustation : Pierre Citerne.
Domaine Les Cailloux 98 :
DS15 - LG14,5 - PC14,5/15. Note moyenne : 14,6/14,8 - Prix : 190 F
• Robe sombre, mate, reflets orangés.
• Nez chaleureux mais cohérent, mélangeant fruits secs et fruits confits, avec une nette pointe animale.
• Matière moelleuse, fruit confit donnant une impression de sucrosité, finale chaleureuse, la texture est serrée mais le volume reste moyen.

6. St-Julien Léoville-Barton 1990 : 18,5/20 – 9/9/07
Superbe galerie aromatique, mûre et joliment évoluée, dans laquelle on peut s’amuser à identifier une armada de senteurs : cacao, café, cassis, cèdre, poivre, champignons, havane, menthol. Bouche au grain admirablement fin, duveteuse (taffetas), envoûtante. Un grand vin, rayonnant (que j’ai imaginé sur Pomerol, sur le même millésime, ou 1989). Il jouit des atouts d’une race aristocratique médocaine (sans austérité) et de la sensualité libournaise (rigoureusement corsetée). Un grand Bordeaux 1990.
Rappel –
Saint Julien – Château Léoville-Barton 1990 : repas chez Vincent – Février 2005 – synthèse par Pascal Perez
LG17 - PP18
Il exprime son essence avec libéralité et race, dispensant cerise, myrtille, havane, amande, menthe, humus et fumée à pleines brassées. Ni sa rigueur toute médocaine, ni son fruit, bien présent et étonnement frais, n’ont été pervertis par l’exubérance du millésime. Densité, volume et longueur complètent le portrait de ce grand vin au profil de décathlonien.

7. Clos des Lambrays 1993 : 16,5/20 – 9/9/07
Nuances de pinot viril, framboisé, floral, minéral : sol en terre, betterave. Profondeur, jeunesse et extraction adaptée pour une production de réjouissante qualité sur un millésime potentiellement rude.

8. Recioto della Valpolicella Amarone Bertani 1988 : 16/20 – 9/9/07
Odeurs de cerise, d’amande, de pomme, de cacao, de tabac, de raisin pour signer un rouge passerillé (corvina majoritaire additionné de molinara et rondinella) du Veneto, aromatique, champignonné. Bouche relativement austère, sans sucre (on retrouve ici l’ambiguïté connue de l’appellation, le terme recioto simple étant réservé aux vins impliquant du sucre résiduel).

9. Muscat de Samos Jarousse spécial exposition 1963 : 18/20 – 9/9/07
L’étiquette francisée dit (entre autres) : royaume de Grèce, servir glacé. Ce vin muscaté, qui a noblement vieilli, produit une belle bardée d’arômes : miel, citron vert, abricot sec, épices, dattes fourrées aux amandes, poire, vanille, noix, oranges confites au chocolat, herbes aromatiques (thym, lavande, rappelant le muscat de Klein Constantia). Bouche magistrale, épaisse mais parfaitement équilibrée, d’une très longue persistance gourmande. Quelle tenue et quelle surprise pour un flacon un peu improbable, finalement inoxydable.


Petite conclusion rapide :
Une belle adresse, un accueil très sympathique en terrasse (extérieur jour).
Les clins d’oeil d’une cuisine pérégrine (Japon, Amérique centrale, Asie du Sud-Est) restant pour autant ancrée dans son terroir pour un repas très agréable, qui a réuni dans une ambiance attentive et souriante des amis oenophiles invétérés.
Le service est simple, décontracté mais attentionné, et c’est très bien comme cela (ce n’est pas ici que l’on vous imposera une cravate dans le vestibule, fort heureusement). Le restaurant, comme celui de Fabrice Biasiolo visité au printemps 2007, est une adresse jeune cuisine/omnivore, (ré)inventive, dynamique, parfois tâtonnante ; nous gérons le service des bouteilles que nous avons amenées contre un droit de bouchon de 8 euros/bouteille (et tout est mis à notre disposition pour un service impeccable du vin, en parfaite et efficace autonomie).
La fin du repas est l’occasion pour Benjamin Tourcel de nous offrir un improbable rhum guatémaltèque (Rhum du Guatemala Zacapa Centenario de 23 ans d’âge), fort intéressant, dont le nez rappelle un cognac et la finale pèche par trop de sucre.
Contrairement au repas (au demeurant de haut vol) chez Michel Sarran (doublement étoilé sur Toulouse), avec son droit de bouchon indécent, j’ai senti ici un réel intérêt pour les gastronomes oenophiles.
laurentg
 

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