Un ami grand amateur d'un fromage italien, dénommé "cusié tabac", associant laits de vache et de chèvre, m'a proposé de me faire découvrir ce fromage, aussi l'invitation est lancée. On a testé quelques accords avec ce fromage, pour tenter d'approcher un accord "idéal". C'est toujours l'occasion de partager un bon moment d'amitié et d'ouvrir des bouteilles à trois amateurs.
A l'apéro, avec des gougères "Picard" - oui, j'ai fait dans le simple et facile, je l'admets -, on a goûté un Brauneberger Juffer-Sonnenuhr Riesling Kabinett 2001 de Fritz Haag : robe jaune pâle aux reflets verts, comme il se doit sur les riesliing mosellans. Toujours ce superbe nez de naphte, de pierre et de fleurs et la vivacité portée par une acidité évoquant le citron mûr et le perlant d'un reste de CO2. Equilibre sur un demi-sec riche, plus riche d'ailleurs et un peu moins élégant que le spätlese 1997 ouvert il y a une semaine.
On a continué avec un Meursault 2007 de Pierre Boisson, à la robe brillante, jaune un peu plus prononcé. Le nez est d'abord assez réduit avec une toute petit pointe de soufre qui s'estompe à l'aération. Les fleurs apparaissent ensuite. La bouche est marquée par une acidité vive mais la matière - sans être très concentrée - parvient à soutenir le vin qui termine sur une longue finale florale. Vin jeune, prometteur et délicieux.
Nous sommes passés aux rouges avec la charcuterie :
J'avais mis le vin au réfrigérateur pour faire ressortir le fruit, je craignais une phase de fermeture marquée. Carafage au dernier moment pour enlever d'éventuelles scories. Robe grenat concentrée, nez très fruité, complexe avec une petite note animale bien fondue, des épices (poivre...). La bouche est une dentelle, les tannins sont soyeux et le vin très persistant. Ce Morgon Corcelette 2009 de Jean Foillard a l'étoffe des grands vins et ce domaine produit décidément et régulièrement les meilleurs vins "sans soufre ajouté" que je connaisse.
Le vin suivant a un peu atomisé la suite. Robe violacée profonde, le nez est l'archétype des beaux vins de cette appellation qui nous amène immédiatement en Rhône nord : grande complexité sur le poivre, l'olive noire, le zan et la violette. La bouche n'est pas en reste et possède une concentration équilibrée par une fraîcheur qui me rappelle le choc gustatif rencontrée avec son aîné 1998 ç peu près au même âge lors de ma première rencontre avec ce domaine. Superbe Cornas Chaillot 2008 de Thierry Allemand. Merci à David "Pignolo" pour l'approvisionnement
Le dernier rouge a souffert du précédent, mais il est très probablement cadenacé à double tour. Nez fin et discret sur le réglisse et fruits rouges. La bouche est dotée d'une acidité vive, l'ensemble paraît dissocié. Peu de plaisir en l'état sur ce Bramaterra cuvée I Porfidi 2005 du domaine Tenute Sella. Je n'ai reconnu que le pays au regard de la forme de la bouteille et la région en disant "piémont", par l'aspect austère (au pif). Pour le reste, je fus complètement perdu. J'ai encore de très gros progrès à faire sur les vins italiens
Puis, direction le plateau de fromages, avec le fameux cusié tabac à l'honneur. Le cusié présente la particularité d'avoir un nez de roquefort, une texture entre le roquefort/stilton et un parmigiano reggiano croisé avec un Comté... le tout doté d'une puissance hors du commun.
Premier vin : robe dorée, superbe nez d'une grande complexité, sur les fleurs et les épices douces, le fruit et l'oxydation sont transcendés. Grande fraîcheur en bouche, la matière n'appelle que des éloges. J'aime toujours autant cet Arbois cuvée Saint-Paul 1989 de Camille Loye. L'accord avec le cusié ne fonctionne pas. L'Arbois ne possède pas assez de gras, trop d'acidité pour se marier ou lutter en face du cusié, délicieux et qui a fait le bonheur de mon plus jeune fils de 2 ans. Bon accord sur le comté 24 mois (pas de 36 mois dispos )
Le second vin est choisi en pensant à l'accord avec un stilton : le Porto LBV 2005 de Niepoort présente une fougue et une puissance au nez comme en bouche assez phénoménales, ainsi qu'un moelleux (sucres) qui s'accordent mieux avec le cusié. Mais il y a trop de sucres et les tannins ne sont pas encore assez fondus.
Le dernier vin fut le Palo Cortado Jérez de Lustau : robe brune brillante. Nez sur les épices et les fruits secs, doté d'une volatile importante. La bouche est sèche, trop pour le cusié, mais la puissance du vin s'associe assez bien à celle du cusié. Les curseurs sont au plus haut, c'est assez dévastateur mais une petite pointe de moelleux et de sucre aurait probablement créé un accord quasi parfait. Dommage.
Au final, nous avons rendu les armes, ça faisait déjà pas mal de tentatives. J'avoue que le soir, j'ai pas mal apprécié le cusié avec un petit verre de Cornas 2008 d'Allemand : tannins assz soyeux et la matière suffisamment puissante pour se marier correctement avec le fromage. C'était peut-être cela la vraie piste. Je me demande si un Hermitage d'une dizaine d'années comme celui de Chave ou un Châteauneuf blanc âgé à l'instar de la cuvée Roussanne Vieilles Vignes de Beaucastel réaliseraient éventuellement le graal.
Bonne journée.