http://www.lematin.ch/tendances/societe ... gne-173920Je suis une vigneronne amoureuse de ses vignes»: ainsi se définit la propriétaire du domaine de La Liaudisaz, à Fully (VS), devant la caméra de Fred Florey et Cédric Flückiger, dans le documentaire «Les saisons de Marie-Thérèse Chappaz». Une citation presque superflue dans ce film qui lui est consacré, tant les images débordent de son amour pour la terre, pour ses vignes et pour son métier.
Dresser le portrait de cette femme, c'est avant tout évoquer ses journées dans le vignoble ou à la cave - «elle travaille tout le temps!» sourit Fred Florey - et l'autre grande histoire de sa vie, être maman de Pranvera, la fille qu'elle a élevée seule. Elle le dit elle-même: «La vigne me laisse peu de place, même si j'ai d'autres aspirations, marcher en montagne, lire ou voir des amis. J'essaie, je suis plus légère qu'il y a vingt ans, mais ce n'est pas facile.»
Un travail de patience
La suivre dans les travaux de toute une année sur les coteaux de Fully permet de comprendre cette difficulté. Marie-Thérèse est une perfectionniste qui ne laisse rien au hasard. On la voit arpenter sa terre, prêter attention à la moindre minuscule araignée qui viendrait visiter ses ceps, goûter et goûter encore les jus jusqu'à ce qu'elle trouve le délicat équilibre des nectars qui ont fait sa réputation. Le film montre un travail de patience, d'attention constante, de soin du détail. On partage sa fatigue, lorsqu'elle se lève avant l'aube pour soigner sa vigne; sa tendresse devant le vert tendre des nouvelles feuilles de la petite arvine: «Sentez comme elles sont douces, sans poils comme celles de l'ermitage»...
Pas d'intrusion dans cette vie quotidienne, la caméra est présente mais discrète, laissant toute la place à cette femme de la terre dans son univers. «J'ai voulu la simplicité, me mettre dans la peau d'un compagnon de route, tout en mettant en valeur la nature environnante», explique le réalisateur. Le résultat est réussi: les images sont esthétiques, le dialogue intime et transparent, la musique inexistante, comme une distraction jugée inutile.
Et comme Marie-Thérèse Chappaz a choisi il y a huit ans d'adopter la biodynamie, on en apprend un peu plus sur cette méthode de culture naturelle, qui, comme l'explique la vigneronne «redonne du vivant au sol, donc aux plantes, au lieu de l'exploiter». Un choix qui s'inscrit parfaitement dans le rapport qu'elle entretient avec la nature et dont le film rend compte. «Je ne le savais pas, au départ, je l'ai choisie parce que j'aimais sa façon de parler du vin et de tout ce qui l'entoure. Cette méthode s'harmonise bien avec son lien à la terre, le regard qu'elle porte sur son environnement, son souci d'en prendre soin. C'est une dimension que j'ignorais, et qui a ajouté un message au film, celui du respect de la nature», précise Fred Florey.
Suivre sa route
Aucune intention militante, cependant, dans les explications données sur les gestes quotidiens particuliers exigés par la biodynamie: la préparation des décoctions de plantes qui remplacent les désherbants - «utiliser ceux-ci m'angoissait en permanence» -, le mélange du jus et de la pulpe de sa main, «car ce n'est pas bon que trop de personnes, ou des machines, s'interposent entre l'artisan et son produit». «Je n'ai aucune leçon à donner à quiconque. J'ai aussi travaillé de manière plus conventionnelle pendant des années, et j'ai suivi mon chemin avant que l'envie de cultiver autrement s'impose à moi. Chacun le sien», tempère Marie-Thérèse, soucieuse de ne pas heurter ses collègues vignerons, dont une majorité ne comprend pas bien son choix. Elle veut juste suivre sa route, celle que lui dicte son amour du travail bien fait, la défense de ses convictions et de ses produits. Cela la conduit à être très présente dans la communauté, un peu malgré elle parfois, inquiète de «prendre trop de place», gênée qu'on parle beaucoup d'elle.
Qu'en a-t-elle pensé, de ce film mettant son travail en valeur? «Il me plaît parce qu'il est assez vrai. Les images de la nature sont belles sans que le travail soit idéalisé. On le montre tel qu'il est, prenant et parfois pénible. J'ai aimé le ton assez intimiste, qui exprime la réalité sans artifice. Cela dit, j'ai trouvé pénible de me regarder, sur grand écran, et devant tant de gens!»