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la qualité triomphe à Patrimonio

Messagepar Jean-Pierre NIEUDAN » Ven 16 Jan 2009 14:51

Entre volume et qualité, il faut choisir. L'appellation contrôlée Patrimonio a été le symbole d'un choix et d'une stratégie.

L'histoire du vin corse est parsemée de périodes d'expansion et de contraction. Il y a vingt-six siècles, les Grecs ont démarré le vignoble corse que les Romains ont ensuite développé, puis freiné avec l'empereur Domitius pour ensuite le relancer avec Probus. Ce mouvement de va-et-vient se perpétue à l'ère moderne. Après la cession par Gênes de la Corse au royaume de France, entérinée par le traité de Versailles (1768), le vignoble repart de plus belle malgré la perte de ses exportations vers l'Italie du Nord. En 1873, le vignoble occupe 30 000 hectares, soit plus de trois fois la surface actuelle (8 000 hectares) avant d'être ravagé par le phylloxéra.

Dans les années 1930, après la Grande Dépression, il n'en restera plus que 5 000 hectares. À partir de 1961, l'arrivée de 17 000 rapatriés d'Afrique du Nord relance le vignoble qui dépasse les 32 000 hectares dans les années 1970. Le vignoble insulaire profite alors du déclin du vin algérien qui était le gros fournisseur des vins d'entrée de gamme. Les gros rendements exigent des moyens, en particulier la chaptalisation, peu compatibles avec les vins de qualité, et encore moins avec la morale.

Instituteur et propriétaire à Patrimonio, Xavier de Bernardi était grand ami du Pr Jules Ventre, un des précurseurs de l'œnologie moderne, qui, dès les années 1910, conseille les producteurs locaux pour une «viticulture rationnelle». Avocat au barreau de Bastia, son fils Pierre de Bernardi rencontre prémonitoirement Le Roy de Boiseaumarié, le créateur des appellations contrôlées françaises, dès les années 1940. «Mon père a dû organiser une bonne centaine de réunions dans l'île pour faire passer l'idée d'une viticulture de qualité, car il y avait beaucoup d'oppositions», rappelle Jean-Laurent, troisième génération des Bernardi et président de l'appellation.

En 1962, le Syndicat de défense des grands vins de Patrimonio, qui regroupe la quasi-totalité des producteurs, s'organise et proteste contre la dérive productiviste qui s'installe dans l'île.

Pour donner un coup de pouce à la qualité, l'appellation contrôlée est décernée à Patrimonio en 1968, ce qui est une première dans l'île, pendant que les gros rendements et l'expansion s'installent ailleurs. Cette nouvelle appellation incite de jeunes producteurs à s'installer au pays, comme Antoine Arena, une des grandes vedettes de la viticulture française : «Séduit par l'idée, je reviens et je m'installe dans l'exploitation contre la volonté de mon père, qui me voyait fonctionnaire. Il a mis trente ans à me le pardonner !»

Des atouts formidables

Si elle a été très précoce, l'appellation contrôlée n'a pas été décernée à Patrimonio par hasard, car elle dispose de trois atouts formidables, dans l'ordre ou dans le désordre : son terroir, son cépage et la volonté farouche des hommes de les mettre en valeur. Massif de l'ère primaire, la Corse est essentiellement granitique, ce qui donne de très bons vins, rapidement prêts. Le nord de la Corse - et singulièrement Patrimonio - est une petite enclave calcaire, synonyme de vins élégants et profonds. Ces collines calcaires de la vallée du Nebbio surnommées Conca d'Oru (la conque d'or) par le général Pascal Paoli, sont le véritable secret de la réussite des vins.

Le cépage, le nielluciu, qui est à la base des vins rouges, n'est pas un inconnu non plus. Si niellu veut dire «noir, sombre, dur», selon Patrick Fioramonti, l'auteur du meilleur ouvrage sur les vins corses, le cépage n'est autre que l'immense sangiovese, le cépage phare de la Toscane, base des plus grands vins rouges italiens (à côté du nebbiolo piémontais, pour être complet). Ce cépage permet d'élaborer des vins complexes et de grande garde qui méritent d'être attendus quelques années pour délivrer tous leurs messages.

L'appellation produit aussi parcimonieusement des blancs de qualité. Le cépage principal est le vermentino, connu en Provence sous le nom de rolle et ailleurs comme malvoisie. Grand cépage lui aussi, très aromatique, il embaume naturellement les fleurs blanches et l'aubépine, mais le terroir calcaire lui apporte raffinement et longueur, deux qualités assez rares dans les vins blancs du Sud.

Un grand terroir et de beaux cépages ne sont rien s'il n'y a personne pour les mettre en valeur. Si la Corse ne manque pas de personnages de fort caractère qui ont marqué l'histoire, l'appellation doit beaucoup à la famille de Bernardi, mais aussi à cette poignée de producteurs qui y ont cru très tôt. Il était temps. Car, quelques années plus tard, la dérive productiviste s'est terminée dans la douleur avec quelque 2 000 hectares de vignes arrachées. L'appellation contrôlée leur a permis non seulement de survivre, mais de prospérer, comme le souligne Gérard Margeon, directeur de la sommellerie Alain Ducasse : «Patrimonio est le porte-drapeau de l'immense potentiel des vins corses. Ce ne sont surtout pas des vins de soleil, mais d'authentiques vins de terroir.»

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Jean-Pierre NIEUDAN
 
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